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lundi 22 août 2016

Le bon son de l’Amiral : Short Eyes


C’est en 1977 que sort sur les écrans américains Short Eyes que l’on pourrait aisément qualifier, si on accordait le moindre crédit au superstitieux, de maudit. Un grand nombre de talents ayant œuvré sur cette bobine sont ensuite tombés dans l’anonymat, voire pire. Ce film est tiré d’une pièce engagée à succès sur l’univers carcéral signée par Miguel Pinero (qui interprète ici un petit rôle). Ce dernier écrit cette dramatique embastillé pour cause de participation à une attaque à main armée. Il n’assiste pas à la première car il est toujours au trou. Il redistribue l’argent gagné sur ce film à ses potes prisonniers et sans-abris. Il sort du violon fin 1977 et poursuit une carrière d’acteur de second plan dans la quasi-totalité des séries télés US de l’époque (Kojak, Les Rues De Los Angeles, Miami Vice) ; il décède prématurément à 42 ans en 1988 et retombe dans un anonymat injuste. L’un des acolytes artistiques de Pinero, avec qui il tourna souvent, est Tito Goya, deuxième couteau intense dans quelques grosses productions comme Marathon Man (John Schlesinger-1976) et All That Jazz (Bob Fosse-1979) ; il connaît lui aussi une triste fin, huit mois après la sortie du film il est arrêté pour meurtre puis assassiné par pendaison en 1985 par un codétenu. Il succombe à l’univers carcéral qui lui avait apporté la renommée à travers sa composition de Cupcakes dans Short Eyes. Tout aussi terrible est la destinée du génie qui composa la bande originale de ce film, celui que l’on surnommait le Bob Dylan noir : Curtis Mayfield.


Alors que l’on célèbrera en 2019 les vingt ans de sa mort, Curtis Mayfield, tétraplégique depuis le 14 août 1990 lorsqu’il reçoit, durant un concert, un projecteur sur la tête, reste inconnu de la presque totalité du public européen sauf, bien sûr, des amateurs de soul music. Il est éclipsé, dans l’inconscient collectif, par d’autres légendes comme Marvin Gaye ou Stevie Wonder. Alors qu’aux USA il est, à juste titre, considéré comme un des plus grands compositeurs de tous les temps-voir, à ce sujet, le nombre de longs métrages qui utilisent ses chansons : près d’une centaine depuis le début des 90’s. C’est par une B.O. qu’il se fait connaître des « soul fans » du monde entier, celle de Superfly. Une claque monumentale composée de morceaux incroyablement groovy aux paroles terriblement sombres, une légende est née. L’ex chanteur des Impressions, groupe pour lequel il avait composé, excusez du peu, l’hymne du Black Power intitulé We’re A Winner et celui du Mouvement des droits civiques, Keep On Pushing, entame sa carrière solo sous les meilleurs auspices, ses textes engagés font écrire à Bob Donat du célèbre Rolling Stone Magazine : « le message anti-drogue de Mayfield est bien plus fort, en réalité, que le film lui-même ». Paradoxalement, il signe très peu de B.O. (six entre 72 et 77) et continue une carrière jalonnée de succès dont une palanquée de classiques comme Back To The World, Miss Black America, Move On Up.


L’une de ses dernières partitions pour le cinéma est celle de Short Eyes, 36mns pour huit morceaux d’une puissance extraordinaire. Une soul rageuse aux textes durs comme sur Short Eyes/Freak Freak Free Free et Back Against The Wall, des lyrics sans angélisme sur les détenus mais aussi au fait de la dure réalité carcérale. Do Do Wap Is Strong In Here, qui ouvre l’album, est une véritable démonstration de force, à la performance vocale s’ajoute un final affolant aux percussions endiablées qui contraste avec le monstrueux solo de guitare électrique qui clôture Back Against The Wall. Si Need Someone To Love, Break It Down et Another Fool In Love sont du pur Mayfield avec violon, flûte, piano et cuivres, A Heavy Dude et Short Eyes retrouvent la force évocatrice d’un titre tel que Freddy’s Dead (cf. Superfly) : c’est le son de la rue ! Curtis Mayfield a bien compris ce qu’il y a de pertinent dans la construction d’une B.O., il utilise des moments clés du film pour construire des scénettes, ce qui donne une véracité très puissante à ses textes. Les personnages de ses chansons sont ainsi excellemment bien caractérisés. Short Eyes se conclut par une instru roublarde, Father Confessor, dont la sérénité (un qualificatif qui sied à merveille à de nombreuses compositions de ce « soul master ») est troublée par un solo de guitare dissonant car comment trouver la rédemption lorsque l’on vit en cage ? Curtis ne donne aucune réponse : la classe absolue. Alors ruez-vous sur toute sa discographie parue chez Charly et entièrement disponible à prix réduit (4,99€ le CD, qui dit mieux ?), quant aux collectionneurs fous de 33T jetez-vous sans plus attendre sur le superbe Curtis In Chicago (Curtom -1973), aussi bon que le Live In Japan des Temptations ( EMI -1975), c’est dire !!!
Admiral Lee

Short Eyes, film étasunien de Robert M. Young (1977, 100 minute s). Avec Bruce Davison, José Pérez, Nathan George, Don Blakely, Tito Goya. Disponible en DVD zone 1 (VO) chez Wellspring Media . BO sorti en vinyle chez Curtom (1977) et en cd chez Charly (2006)


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