dimanche 31 mai 2020
Rencontre avec Sébastien Rongier (Alma a adoré - Marest Editeur)
Alma a adoré (*) (Marest Editeur) est un ouvrage singulier signé Sébastien Rongier (**). Quelque part entre l’essai et la fiction, Alma a adoré est une rêverie partant de la scène de la douche dans Psychose. L’auteur réussit son pari (risqué) : écrire un livre original sur Alfred Hitchcock. Passionnée par cet ouvrage, notre rédaction est allée à la rencontre de Sébastien Rongier.
Alma a adoré est un livre singulier, à mi-chemin entre l’essai et la littérature. Comment vous est venue l’idée de ce livre et comment s’est déroulée son écriture ?
Le livre est presque né par hasard (un hasard objectif, diraient les surréalistes). Je faisais un cours sur la question de la citation et j’ai pris l’exemple de quelques citations de la séquence de la douche (chez Brian de Palma ou Mel Brooks). J’ai prolongé la discussion avec Gus van Sant et je me suis rendu compte que je n’avais visité que le haut de l’iceberg. J’ai donc remonté mes manches et je me suis mis au travail en constatant assez rapidement que cette seule question de la citation de Psychose était un océan infini. De plus, j’ai pleinement pris conscience à l’occasion de cette première réflexion que ce film avait engendré un véritable réseau artistique entre les citations, les remakes (explicites comme implicites), les suites (cinématographiques ou littéraires), les relectures par les séries ou par le monde de l’art contemporain… bref j’ai constaté qu’il y avait une véritable obsession artistique de ce film et de sa séquence la plus célèbre. La question était alors moins de faire une simple recension de toutes ses formes que de se demander pourquoi. Pourquoi cette séquence est-elle si importante ? C’est tout simplement au cours d’une conversation à bâton-rompu avec Pierre-Julien Marest (N.D.L.R. : éditeur du livre), évoquant avec lui ce « terrain de jeu » et ces questions qu’il m’a proposé de transformer cela en un livre. Le chemin d’écrire a été un long parcours vers le retour aux sources. En forçant un peu le trait, je pourrais dire que je suis parti de Gus van Sant ou Douglas Gordon pour arriver au Psychose d’Hitchcock, et même de remonter encore un peu plus loin vers Clouzot ou Robert Bloch… puis de redescendre vers Hitchcock et l’ensemble des effets cinématographiques qu’il produit.
Si la figure d’Hitchcock et de Psychose sont significatives pour l’histoire des arts, elles sont également importantes pour moi. Pourquoi consacrer une partie de son temps et de son énergie à réfléchir sur ce cinéaste et à écrire sur lui ? J’écris autant des essais que des romans et chaque livre doit être moi une aventure personnelle, intime. La nécessité est exclusivement intérieure. Cette question, cette dynamique, cette énergie font partie intégrante de la démarche d’écriture. Chaque livre que j’ai la chance d’écrire s’inscrit dans cette démarche. Comme je suis en dehors de tout réseau (professionnel, académique ou intellectuel), je me sens de plus en plus libre dans les choix d’écriture que je peux adopter. De plus, rencontrer un éditeur comme Pierre-Julien Marest favorise cette liberté de l’écriture et de la forme. Ecrire sur Psycho et sur son héritage esthétique, c’est aussi interroger ma propre relation à Hitchcock. Je ne m’abstraits pas de la question esthétique, d’autant moins que Hitchcock a formulé une idée précise de son travail de cinéaste : la direction de spectateur. Ayant été dirigé par Hitchcock, il me revient de droit d’interroger ma propre relation avec ses films. C’est la raison pour laquelle je consacre quelques chapitres à cette question, y compris dans une petite mise en scène fictionnelle qui ouvre le livre.
Le dernier élément dans l’écriture du livre est l’ensemble des illustrations qui accompagnent et approfondissent le propos. Pendant l’écriture du livre, nous échangions Pierre-Julien Marest et moi, des images comme une sorte de dialogue visuel jusqu’au moment où l’éditeur m’a proposé une architecture visuelle. C’est essentiellement un travail de Pierre-Julien Marest qui a composé des prolongements visuels à mon texte et qui est la trace de nos échanges et de notre émulation.
Cette forme particulière n’était-elle pas, également, un moyen astucieux pour contourner l’écueil d’écrire sur un immense cinéaste déjà sujet de nombreuses études ?
Oui, le livre s’ouvre donc sur une déambulation fictionnelle. Je suis dans le musée Rigaud de Perpignan et je rêve un tableau qui y a été volé… le tableau que justement Norman Bates décroche pour regarder Marion Crane se déshabiller. Je connais ce musée et la ville de Perpignan. Cette ouverture permet de déplacer la forme de l’essai. Alma a adoré deviendrait un livre issu d’une rêverie, d’une fantasmagorie artistique. C’est en effet une manière de contourner l’idée de l’étude sur un auteur célèbre. C’est le replacer dans ce geste d’écriture et d’intimité que je viens d’évoquer.
Et puis, vous avez sans doute raison, c’est aussi une manière de dégonfler le geste parfaitement inconscient qui est d’écrire sur Hitchcock. Non seulement écrire sur Hitchcock (quelle présomption) mais en plus écrire après tous ceux qui ont déjà écrit (et tout écrit) sur le cinéaste (quelle prétention). Soit on est écrasé et alors on abandonne. Soit on fait un pas de côté, on prend sa respiration et on y va. Parce que ce qui compte d’abord c’est l’expérience et les découvertes que l’on fait et que l’on veut partager. C’est cela qui importe. Pour vous donner un exemple simple. Avant ce travail sur Psychose, je ne connaissais Robert Bloch que de nom. Je savais qu’il était l’auteur du roman, le point de départ pour l’adaptation. Je lis un auteur incroyable et je découvre surtout que Robert Bloch a écrit deux suites à son roman après le film d’Hitchcock. Je lis donc ses livres et son autobiographie. Je me rends compte que c’est un écrivain publié en France mais connu des seuls amateurs du genre mauvais genre alors même que son œuvre entretient une relation très serrée avec le film d’Hitchcock et avec l’industrie du cinéma hollywoodien. Alma a adoré est aussi l’occasion de partager cette petite découverte. Elle n’est pas seulement personnelle, elle enrichit également la compréhension du phénomène Psychose. C’est la même chose pour les suites du film d’Hitchcock, toutes interprétées par Anthony Perkins. Tout le monde s’accorde d’une manière un peu nébuleuse s’accorde à ne pas trouver cela très bon. Au regard du film d’Hitchcock, on peut être d’accord mais cela n’interdit en rien de regarder les films au même titre que les séries ou les films qui citent Psychose. Si l’on veut bien les regarder, et surtout les regarder bien, ces films peuvent être passionnants. Ils le sont d’abord au titre de suites. Comme c’est une des pistes de mon livre, impossible d’y échapper. Mais surtout, si l’on fait un autre petit pas de côté, les suites deviennent (pour moi) passionnantes si l’on regarde la relation de Perkins avec son personnage. C’est une singularité dans l’histoire du cinéma. Elle demeure un angle mort dans l’analyse française.
Le livre débute par votre visite au Musée Hyacinthe Rigaud de Perpignan, là où était exposé (avant son vol en 1972) un tableau dont une copie est visible dans Psychose : Suzanne et les vieillards de Willem van Mieris. Un tableau que Norman Bates décrochait pour pouvoir s’adonner à l’activité de voyeur. Quelle importance tient cette peinture, qui semble très importante pour vous, dans le panthéon hitchcockien ?
Ce tableau est pour moi un hasard et une surprise. Je connaissais la scène. Je savais qu’il y avait des tableaux dans le bureau de Norman. Je me souvenais que Norman décrochait un tableau. Mais, dans mes souvenirs de simple spectateur. Je n’étais pas allé plus loin. Comme tout un chacun. Plus tard, commençant à travailler sur Hitchcock, j’ai découvert cette obsession de la maîtrise et donc du détail et ce goût profond pour la peinture. Le cinéma d’Hitchcock est traversé par la peinture et par la présence de tableaux qui deviennent de véritables sites de signification. Je ne reviendrai pas sur les exemples nombreux de tableaux (de Rebecca à Vertigo), le travail avec Dali sur La Maison du Docteur Edwardes ou le personnage du peintre dans Mais qui a tué Harry ? Les analyses et les expositions ont été très nombreuses pour relever ou révéler ces aspects dans l’œuvre du cinéaste.
Le cas est absolument puissant dans Psychose puisque le tableau de Willem van Mieris Suzanne et les vieillards est à la fois une scène de voyeurisme et de viol. Ce que le tableau montre (furtivement) est une anticipation de ce qui va se produire : le voyeurisme, puis la violence meurtrière. Le tableau est donc un signe de la pulsion de Norman et de son histoire. Ce choix montre l’absolue maîtrise du propos d’Hitchcock et la précision de sa mise en scène. De nombreux critiques et universitaires se sont penchés sur ce tableau. Je m’y suis également intéressé pour le film d’Hitchcock mais aussi pour les autres films et formes citationnelles qui reprennent le motif du tableau. Là où Hitchcock en fait une puissance de mise en scène et de mise en discours (iconologique), que se passe-t-il pour ceux qui vont marcher sur les pas du cinéaste. Ce tableau devient en quelque sorte une vigie qu’aurait laissé Hitchcock à ses successeurs. Enfin, ce tableau devient une affaire personnelle quand je découvre par hasard que l’œuvre de Willem van Mieris se trouvait dans les collections du musée Rigaud de Perpignan que je fréquente au moins une fois par an depuis sa réouverture. Tout à coup, mes petites réflexions esthétiques s’inscrivent dans ma vie ordinaire et personnelle. C’est un merveilleux hasard qui nourrit l’enthousiasme (et l’imagination). Lorsque j’apprends que le tableau a été volé en 1972, mais que, surtout, il n’a jamais été retrouvé… je suis au bord de l’évanouissement : la réalité est plus redoutablement hitchcockienne qu’un film du cinéaste.
Votre livre, partant de ce rendez-vous manqué (?) avec Suzanne et les vieillards, va développer toute une série de réflexions autour du film d’Hitchcock. Elles démontrent à quel point Psychose est à la fois un jalon dans l’histoire du cinéma et de la culture populaire. En quelques mots, comment expliquez-vous cette capacité d’Hitchcock à produire à la fois un cinéma très exigeant et très accessible ?
Il y a quelque chose de tout à fait passionnant dans cette bascule cinématographique qu’est l’année 1960, celle de la sortie de Psychose. Hitchcock est un cinéaste anglais qui arrive à Hollywood et va très vite comprendre que les mécanismes des Studios hollywoodiens vont lui permettre d’amplifier son geste artistique. C’est fascinant de voir comment le geste artistique prend forme à l’intérieur d’une structure économique très rigide : la manière avec laquelle il structure son écriture cinématographique durant sa collaboration avec le producteur David O. Selznick ou comment il impose Psychose contre vents et marées. La production de ce film montre combien Hitchcock est à la fois un auteur et un faiseur hollywoodien. Notre connaissance d’Hitchcock est particulièrement orientée par la lecture politique des auteurs issue des Cahiers du cinéma et de la lecture de Truffaut. Mais Hitchcock est également un cinéaste qui connait parfaitement les mécanismes de l’entertainment hollywoodien. Ce dernier aspect est un angle mort de la critique cinéphilique française.
Psychose est le rendez-vous parfait entre cette logique auteuriste et cette dynamique commerciale. Psychose est le film d’un auteur qui bouleverse et renverse les codes de son époque : codes narratifs et commerciaux (tuer la star, le personnage principal à la moitié du film), codes moraux (identification au tueur, mise en scène de la sexualité et de la pulsion la plus violente) et codes de la censure (le code Hays). Ce film de 1960 qui s’inscrit dans le circuit commercial le plus classique et le plus grand public, renverse littéralement la table de la représentation cinématographique. Le cinéaste Hitchcock est au meilleur de sa forme, et plutôt que de prolonger le succès de La Mort aux trousses, il choisit de remettre en cause les formes esthétiques. C’est la dimension auteur qu’on a l’habitude d’analyser en France. En revanche, on évoque moins l’inscription d’Hitchcock à l’intérieur de la machine hollywoodienne. Or c’est justement parce qu’Hitchcock est en 1960 au plus près des différentes manières de produire et de fabriquer des images qu’il peut imposer ses choix. Les producteurs hollywoodiens ne voulaient pas voir le film aboutir. Hitchcock a mis son propre argent et s’est appuyé sur sa connaissance de la télévision. A l’époque de l’élaboration de Psychose, produit alors un programme Alfred Hitchcock presents. Il produit l’émission. Il tourne quelques épisodes et surtout, il présente chacune des histoires montrées à la télévision. Il acquiert une popularité inédite grâce à ces présentations dans lesquelles il se met toujours dans des situations drôles et remplies d’autodérision. Il utilise cette expérience pour le lancement du film en utilisant son image de célébrité populaire pour la promotion de Psychose. La manière dont il gère l’accès aux salles est inédit et incroyable. La bande-annonce du film est tout simplement un chef-d’œuvre de drôlerie et de chausse-trappe. Elle est une conséquence directe de son expérience audiovisuelle. Le succès du film doit à ces deux aspects : la qualité intrinsèque de l’œuvre du cinéaste et le génie commercial qu’il impose particulièrement pour ce film. Les deux me semblent aussi pertinents pour comprendre la place de ce film dans l’histoire du cinéma. C’est pourquoi je pense qu’Alfred Hitchcock est autant un immense cinéaste qu’une des premières figures significatives de la pop culture.
Quel est votre point de vue sur la polémique initiée par Saul Bass concernant la paternité de la séquence de la douche ? Dans votre livre vous parlez de "bouffée délirante", vous abordez également un mécontentement moins connu, celui du scénariste Joseph Stefano (au sujet d’une paire de fesses) …
Tout le monde a dû sentir au moment de la production et du tournage de ce film qu’il était en train de se passer quelque chose d’important et de transgressif. Lorsque Hitchcock lit le roman de Robert Bloch, il voit immédiatement le potentiel cinématographique du meurtre dans la salle de bain. Il obtient les droits du livre pour tourner cette séquence de la douche qui germe dans l’esprit cinématographique d’Hitchcock. Le tournage du film est assez rapide car Hitchcock utilise les techniques et une partie des équipes de son programme télé. Mais il consacre un temps considérable pour la réalisation de la séquence de la douche. Pas moins de sept jours de tournage avec une équipe réduite et dans le plus grand secret. Hitchcock a fait travailler deux scénaristes pour l’adaptation. Le premier n’a pas convenu, le second Joseph Stefano est parfait. Il a des idées et des propositions émergent des échanges serrés avec Hitchcock. La séquence de la douche est envisagée par Hitchcock comme le rendez-vous du film. C’est le moment du cinéaste. Il demande à Saul Bass avec qui il a déjà travaillé sur Vertigo et sur La Mort aux trousses de réaliser le story-board de la séquence à partir des indications d’Hitchcock. Au moment du tournage, il suit le découpage de Bass tout en inventant d’autres propositions. Tournage, montage, musique posée par Bernard Herrmann (musique essentielle proposée, presque imposée par Herrmann car Hitchcock voulait une séquence sans musique). Le film est terminé. Saul Bass compose le générique. C’est un succès extraordinaire. Saul Bass y a contribué, comme tous ceux qui ont travaillé sur le film. Mais Saul Bass, au cours d’une interview, réclame la paternité de la séquence. Il déclare avoir tourné cette séquence. Il est vrai qu’Hitchcock a été malade pendant le tournage de Psychose. Il a demandé à Bass de tourner, sur ses indications, le meurtre d’Arbogast. Mais après avoir vu les rushs, Hitchcock retourne tout. Ce qu’avait fait Saul Bass n’était pas satisfaisant. En revanche, personne n’accrédite la déclaration de Bass. Des techniciens à Janet Leigh en passant par Stefano, la production ou Marli Renfro (la doublure corps), tous récusent l’assertion de Bass, chacun se demandant ce qui a bien pu lui passer par la tête. C’est le syndrome du kairos (le moment opportun en grec). Saul Bass a sans doute voulu être reconnu pour le travail effectué. Ayant tellement visualisé cette séquence, il a fini par se convaincre de l’avoir tourné lui-même. C’est de la psychologie de cuisine, je le concède volontiers. Ce qui est important, c’est que cette controverse se situe sur cette séquence précise, amplifiant son épaisseur historique.
L’autre contrariété est celle de Stefano. Le scénariste avait écrit cette séquence. Il était allé très loin dans la description très crue de la séquence, notamment évoquant les fesses de Marion décédée. Hitchcock a tourné ce plan en plongée montrant le corps de Marion de dos, la tête sur le sol et les fesses dans la baignoire. Il figure visiblement dans le premier montage. Le plan est vraiment osé pour l’époque. Trop osé. Hitchcock le sait car c’est toute la séquence qui est trop osée pour l’époque. N’oublions pas qu’en 1960 les films passent encore devant un comité de censure qui, après visionnage, accorde un droit de sortie ou demande des révisions (des coupes). Hitchcock le sait. Il sait qu’il doit jouer avec ce comité. Comme il est capable de diriger son spectateur, Hitchcock est également en mesure de diriger le regard du censeur. Ce plan est impossible. Hitchcock le sait. Il est là pour être sacrifié afin de faire passer le reste, tout le reste. Stefano sera blessé par ce qu’il a cru être une reddition alors qu’il s’agissait d’une stratégie. Une fois de plus l’attention est focalisée sur ce moment. Au final, Joseph Stefano se réconciliera avec le film d’Hitchcock puisqu’il sera le scénariste de l’ultime opus Psychose IV.
Votre ouvrage se conclut par une pulsion scopique. Diriez-vous que Psychose est un film ultime sur le cinéma car choisissant comme sujet principal la scopophilie ?
Je ne dirai pas qu’il s’agit d’un film ultime. Dans la mesure où ce film produit toujours des effets cinématographiques et culturels, interroger l’univers esthétique d’autres créateurs et continue de titiller l’esprit de spectateurs comme vous et moi, je n’utiliserai pas le terme ultime. En revanche, le film propose une expérience cinématographique radicale qui est un tournant historique et esthétique. La question du regard est centrale pour Hitchcock parce qu’il a une conscience aiguë du spectateur dont il interroge le voyeurisme. De ce point de vue, Fenêtre sur cour (autre grand film sur le voyeurisme) est le versant didactique et plus explicitement métadiscursif. Ce film élabore une théorie et un dispositif du voyeurisme et de la scopophilie, offrant au spectateur un miroir assez évidemment perceptible. Les données de Psychose sont assez différentes, me semble-t-il. Le spectateur n’est pas là pour réfléchir sur le voyeurisme et sur sa propre condition de voyeur. Nous ne sommes pas dans un espace intellectuel sophistiqué (Hitchcock adore créer ce type de dispositif - cf. La Corde ou Vertigo). Avec Psychose le spectateur fait une expérience de la violence. D’une certaine manière, la question est moins celle du scopique que celle de la pulsion. Le spectateur de 1960 connait la mise en scène du regard chez Hitchcock et la question du voyeurisme. Avec Psychose, il déplace la logique pour proposer une expérience inédite. Il est assez troublant de constater que Michael Powell ne fait pas autre chose la même année avec Le Voyeur. Il est tout aussi radical qu’Hitchcock. Peut-être même plus. Ce film va cruellement peser sur la carrière de Powell alors que Psychose assoit définitivement la place d’Hitchcock.
Pour essayer d’aller plus loin dans ma réponse imparfaite, je ne suis plus si sûr aujourd’hui que Psychose ait pour sujet principal la scopophilie, même si c’est un axe puissamment mis en scène par Hitchcock (le regard voyeur, les miroirs, le tableau de Willem van Mieris, le motif du trou, etc.). Tout le travail qu’on retrouve dans Alma a adoré, m’a permis de découvrir la profondeur et la complexité du personnage de Norman Bates (ce que Perkins essaye de montrer, me semble-t-il, dans les suites qu’il tient à bout de bras). En revoyant le film en salle à plusieurs reprises, j’ai aussi été beaucoup plus sensible à la matière sonore du film. Elle est d’une richesse puissante et discrète. En revanche, ce qui est certain, c’est qu’un des effets cinématographiques de Psychose est de faire du thème de la scopophilie un sujet cinématographique majeur et déterminant.
Pour finir sur une note plus romantique, j’ai envie de vous demander si vous n'êtes pas le cinéphile fétichiste qui a subtilisé Suzanne et les vieillards ?
J’adorerais vous offrir ce scoop en forme d’aveu : oui, chaque soir, je sors de ma cachette secrète le tableau de Willem van Mieris. J’adorerais vous dire que j’ai été sur les toits de Perpignan une sorte de réincarnation du Cary Grant dans La Main au collet. Je pourrais rêver d’être une sorte de génie du crime qui aurait récupéré le tableau des mains mêmes du voleur… je serais alors, dans le secret du recel crapuleux, un collectionneur compulsif de tous les tableaux apparus ou ayant inspiré les films d’Hitchcock. La collection serait somptueuse. Je pourrais ainsi me rêver en criminel tout droit sorti d’un film de Lang, mais un criminel langien qui collectionnerait les fétiches hitchcockiens.
Seulement voilà, la réalité est toujours plus cruelle et sordide que nos rêves cinématographiques inavoués : en 1972, au moment du vol de ce tableau, j’avais deux ans !
Hanzo
(*) : Pour vous procurer cet ouvrage, rendez-vous sur le site de l’éditeur : https://www.marestediteur.com/produit/alma-a-adore-de-sebastien-rongier/
(**): Sébastien Rongier est à la fois écrivain, philosophe et théoricien du cinéma ; pour en savoir plus sur cet auteur nous vous invitons à visiter le site "Fragments" : http://sebastienrongier.net/
mercredi 27 mai 2020
Dans Culture Prohibée cette semaine : Rencontre avec Jean-Bernard Pouy (Le Poulpe, Ma ZAD)
Retrouvez cette semaine Culture Prohibée sur les antennes de nos radios partenaires (cf. liens ci-contre dans la rubrique "Nous écouter sur votre poste de radio").
Au programme de votre émission préférée consacrée à l'actualité de la contre-culture, une spéciale Jean-Bernard Pouy, créateur du Poulpe et auteur, récemment, de Ma ZAD (Série Noire, Gallimard), le sommaire :
-Un entretien avec l’écrivain Jean-Bernard Pouy.
Un grand merci à Nicolas Tarlay pour son aide sur cette émission.
Playlist de l'émission :
-Générique d'après DJ No Breakfast remixé par Léo Magnien (notre flamboyant ingénieur du son) ;
-Divers extraits des Brass Sessions de John Coltrane.
Téléchargez l'émission de la semaine dernière
Téléchargez l'émission de la semaine dernière, une spéciale bande originale (BO), le sommaire :
-Débat entre les chroniqueurs concernant leurs compositeurs préférés ;
-Echanges avec Rob, connu pour avoir mis en musique, entre autre, Maniac version Frank Kalfhoun, Horns d’Alexandre Aja, Made in France de Nicolas Boukhrief et Le bureau des légendes d’Eric Rochant.
-Quelques propos de Pascal Le Pennec, compositeur des bandes sons de deux superbes longs métrages d'animation de Jean-François Laguionie, Le tableau & Louise en hiver.
Téléchargez l’émission en suivant ce lien : http://podcast.grafhit.net/cultureProhibee/CP_S11E39.mp3
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Bonne écoute !!!
mardi 26 mai 2020
Retour sur les dernières sorties BR/DVD de la société Rimini Editions en compagnie de son directeur Jean-Pierre Vasseur
Malgré le déconfinement, nos studios sont toujours fermés. Aussi, via notre blog, nous vous proposons de découvrir les dernières sorties vidéo qui auraient dû être chroniquées dans notre émission radiophonique. Nous abordons, dans ce billet, le travail d’un éditeur indépendant : Rimini Editions. Ce label, qui fait la joie des cinéphiles depuis 2012, propose, majoritairement, des films de patrimoine - pour en savoir plus sur le sujet, procurez-vous le mook Revus & corrigés disponible dans la boutique de notre partenaire Les Films de la Gorgone en suivant ce lien : http://www.lesfilmsdelagorgone.fr/topic2/index.html. Aujourd'hui, nous vous proposons un point sur les dernières sorties de cette société ainsi qu’un entretien avec son directeur : Jean-Pierre Vasseur.
La Rose et la flèche
Le 18 février est sorti La Rose et la flèche (Robin and Marian - 1976), l’une des plus belles réussites de Richard Lester. Bien loin de ses élucubrations « Beatles – iennes » (Quatre garçons dans le vent, A Hard Day's Night en 1964 ; Help en 1965), le metteur en scène du formidable Petulia (1968) livre ici l’une des plus singulières adaptations du mythe de Robin des bois. Ce dernier, campé par Sean Connery, revient accompagné de son fidèle Petit Jean (Nicol Williamson) des guerres de croisade. Cela fait vingt longues années qu’il a abandonné son éternel amour, Marian (Audrey Hepburn), qu’il retrouve abbesse. Robin décide d’engager un dernier combat contre l’inamovible shérif de Nottingham (Robert Shaw) et pour reconquérir le cœur de Marian.
Avec Lester, Robin des bois se fait baudelairien. Tout le film semble gagné par le spleen. Ses personnages vieillissants sont des fantômes tentant de continuer à faire vivre une histoire appartenant au passé. D’ailleurs, Lester n’a rien perdu de son mordant, détruisant le mythe Richard Cœur de Lion (Richard Harris), roi devenu ennemi de son peuple. C’est aussi l’occasion, pour Lester, de dénoncer les absurdités de la guerre dont celle du Vietnam qui vient de se terminer. Mais La Rose et la flèche n’est pas un film à thèse, c’est avant tout un superbe mélodrame amoureux ponctué de batailles teintées de tartufferie. Et si vous ne pleurez pas lors de l’émouvant final, c’est que vous n’avez pas de cœur. Vous l’aurez compris, nous vous incitons fortement à revoir ce classique méconnu.
Avanti!
Autre pépite sorti de l’oubli par Rimini, Avanti! (1972) est un film de l’immense Billy Wilder disponible depuis le 17 mars. Le réalisateur de, entre autres classiques, Assurance sur la mort (Double Indemnity - 1944), Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard - 1950), Le Gouffre aux chimères (The Big Carnival – 1951), signe avec Avanti! l’un de ses derniers travaux. Il y retrouve son complice de toujours Jack Lemmon (Certains l'aiment chaud, Some Like It Hot en 1959 ; La Garçonnière, The Apartment en 1960 ; Irma la douce en 1963 ; La Grande Combine, The Fortune Cookie en 1966). Ce dernier est Wendell Armbruster, Jr., grand patron étasunien venu en Italie pour faire rapatrier le corps de son père décédé lors d’un accident de la route alors qu’il était avec sa maîtresse. Celle-ci a une fille, Pamela (Juliet Mills) dont Armbruster tombe amoureux.
Wilder est venu en Europe tourner cette comédie romantique car il est déçu par les studios hollywoodiens qui viennent de mutiler son film La Vie privée de Sherlock Holmes (The Private Life of Sherlock Holmes, 1970). Il revient se frotter au Vieux Monde, stigmatisant, au passage, l’arrogance américaine – cf. les reproches de Pamela à Armbruster. Ce qui est fascinant dans ce film est la manière dont Wilder malaxe les clichés pour servir son propos ; rien n’est oublié des maux de l’époque : de la crise économique à la Grèce des Colonels en passant par les Années de Plomb. Wilder nous invite à nous perdre amoureusement dans une Italie rêvée… Comment y résister ?
Les Mutinés du Téméraire
Restons sur les eaux pour ce trésor exhumé par Rimini Editions : Les Mutinés du Téméraire (H.M.S. Defiant - 1962) de Lewis Gilbert, qui sortira le 2 juin. Le réalisateur du James Bond L’espion qui m’aimait (The Spy Who Loved Me – 1977), avec Roger Moore, Barbara Bach, Caroline Munro et l’hirsute Richard Kiel dans le rôle de Dents de Requin (un des plus savoureux seconds rôles de la saga), a eu, en Grande-Bretagne, une première partie de carrière que le public français connait peu – voire pas du tout. Les Mutinés du Téméraire est l’une de ses œuvres oubliées.
Elle se déroule en 1797, lorsque le « Téméraire » est envoyé rejoindre la flotte britannique en mer méditerranée, et conte l’affrontement entre le cruel lieutenant Scott-Padget (Dirk Bogarde), qui martyrise son équipage, et le bienveillant Capitaine Crawford (Sir Alec Guinness). A la tension psychologique s’ajoutent d’épiques scènes de batailles ainsi qu’une superbe partition du compositeur de la bande-originale de Rendez-vous avec la peur (Night of the Demon, Jacques Tourneur – 1957) : Clifton Parker. Cette mutinerie est l’une des plus célèbres d’Angleterre, elle a inspiré un superbe tableau à Turner que l’on peut apercevoir dans l’un des meilleurs James Bond, Skyfall (2012) de Sam Mendes. Décidément, lorsqu’il est question de cinéma britannique, peu importe l'identité du metteur en scène, il y a toujours un 007 dans le coup !
Patrick
Le 6 mars, Rimini a vu sa collection fantastique s’enrichir d’un classique de la Ozploitation (cinéma d’exploitation australien), le Grand Prix du Festival international du film fantastique d’Avoriaz 1979 : Patrick (1978) de Richard Franklin. Une péloche horrifique singulière durant laquelle un psychopathe comateux doué de télékinésie, Patrick (Robert Thomson), harcèle son infirmière Kathy (Susan Penhaligon). Bien que totalement immobilisé et inexpressif, à l’exception de quelques crachats, Patrick est capable d’agir à distance sur les objets, voire d'exercer une pression physique sur un nageur pour le noyer. Pas de chance pour Kathy, Patrick tombe amoureux d’elle et il se révèle fort jaloux !
Si Richard Franklin, réalisateur des excellents Déviation mortelle (Roadgames - 1981) et Link (1986), est un artisan doué, il ne peut éviter quelques longueurs à son thriller qui aurait gagné à être plus rythmé. Toutefois, le film conserve un étonnant pouvoir de fascination, en particulier grâce au très magnétique Robert Thomson dans le rôle-titre. Sa relation avec Kathy est suffisamment ambiguë pour captiver le spectateur. Et puis Franklin, en grand amateur d’Hitchcock, signe quelques belles scènes de suspense dont un final particulièrement troublant. Pour en savoir plus sur l’un des maîtres de la série B australienne, nous vous invitons à visionner les bonus de cette édition fort complète.
Hell Night
Plus méconnu, malgré la présence dans son casting de Linda Blair, alias Regan dans L’Exorciste (The Exorcist, William Friekin – 1973), Hell Night (sorti depuis le 22 mai) est un slasher de 1981 signé Tom DeSimone. Ce dernier a une carrière atypique puisque, parallèlement à sa filmographie classique, il est, sous le pseudonyme de Lancer Brooks, l’un des pionniers du porno gay. En 1977, il signe Chatterbox, le remake américain du classique polisson tourné par Claude Mulot en 1975 : Le Sexe qui parle. Sorti de l’érotisme, Tom DeSimone est surtout connu pour le film carcéral Quartier de femmes (The Concrete Jungle – 1982) ainsi que pour quelques épisodes de la série télévisée Les Cauchemars de Freddy (Freddy's Nightmares – 1988 à 1990). Hell Night, malgré un accueil très mitigé lors de sa sortie est devenu, au fil du temps, une œuvre qui jouit d’un certain culte.
Linda Blair y est Marti, une étudiante issue de la classe populaire qui, en guise de bizutage, doit passer une nuit dans un vieux manoir qui serait hanté par un tueur monstrueux. Elle est accompagnée de Jeff (Peter Barton), un fils de bonne famille, la délurée Denise (Suki Goodwin), et Seth (Vincent Van Patten), un surfeur décérébré. Bien sûr, ce qui devait être un jeu tourne au drame lorsqu’un assassin sadique surgit. Hell Night est plus un film gothique qui s’amuse des conventions du film de maison hantée qu’un slasher horrifique, en effet, l’hémoglobine coule peu. Le décorum semble plus intéresser DeSimone ; le final, souterrain, est particulièrement réussi. Hell Night est une œuvre sans prétention à réévaluer. Pour en savoir plus, nous sommes allés à la rencontre de l’homme derrière toutes ces belles éditions, le patron de Rimini : Jean-Pierre Vasseur.
Rencontre avec Jean-Pierre Vasseur
Qu'est ce qui a motivé la création, en 2012, de Rimini Editions ?
Après avoir travaillé de nombreuses années chez Opening, j'ai décidé de créer, en 2012, Rimini Editions, en raison de l'évolution du marché de la vidéo. A l'époque, j'ai eu le sentiment que, pour pouvoir continuer d'exister sur ce marché, il allait falloir être ou très gros ou tout petit. Par la force des choses, la seconde option s'est imposée à moi : Rimini Editions est une toute petite structure, je suis seul à bord et cela me permet d'avoir des coûts de fonctionnement réduits.
Rimini est désormais, à 80%, tourné vers l'édition de films liés au cinéma de patrimoine. Qu'est-ce qui motive vos choix éditoriaux qui vont du grand classique (Les Vikings, The Vikings, Richard Fleischer - 1958) au slasher (Happy Birthday to Me, Jack Lee Thompson - 1981) en passant par des séries télé (Commando spatial, Theo Mezger, Michael Braun, 1966) ?
Le choix des films édités par Rimini Editions répond à plusieurs critères. Le premier de ces critères est, bien sûr, l'intérêt que je peux avoir pour ces films. Je suis seul dans la société : mes goûts personnels conditionnent pour une bonne partie mes acquisitions, et comme je peux être éclectique, cela donne une variété au catalogue. Il y a aussi des oeuvres que l'on me fait découvrir, que l'on me recommande. Par exemple, je ne connaissais pas la série Commando Spatial. Quelqu'un m'a recommandé cette série, et j'ai trouvé amusant de la proposer en vidéo.
Il faut apporter une nuance à cela, liée à la disponibilité des titres : nous, éditeurs, devons faire nos choix dans des listes de films mis à disposition par les ayants-droits, donc ces choix sont par définition limités.
Un troisième élément de choix peut être lié au besoin d'alimenter des collections. Rimini Editions a développé, par exemple, une collection Billy Wilder ou une collection Horreur. Il y a sans doute des titres dans ces collections que je n'aurais pas édités si je n'avais pas disposé de ces collections. Par exemple, La Valse de l'empereur (The Emperor Waltz - 1948) ne fait pas partie de mes Billy Wilder préférés, et je ne l'aurais sans doute pas édité seul. Mais, à partir du moment où existe la collection, il y a évidemment toute sa place.
A travers votre parcours professionnel, vous avez travaillé sur tous les supports vidéo, de la VHS au Blu-ray. Quel regard portez-vous sur le Blu-ray et ses possibilités ? Aujourd'hui certains éditeurs indépendants abandonnent le DVD (Le Chat qui fume), d'autres se mettent à la vidéo à la demande(Artus Films) ...
Pour le moment, je n'envisage pas d'abandonner le DVD. A titre personnel, je n'achète que du blu-ray, mais une partie de nos clients restent attachés au DVD : de quel droit leur imposer de changer de support ? Néanmoins, il se peut qu'un jour notre marché soit essentiellement un marché de Blu-ray. Mais ce n'est pas le cas pour le moment.
Parmi vos éditions, certaines, magnifiques, ont marqué les cinéphiles. Y a-t-il un de vos collectors qui vous tient plus particulièrement à cœur ?
Le collector qui me tient le plus à cœur est le coffret Les Vikings, parce que c'était le premier, que le film est une merveille et un grand souvenir d'enfance.
La crise que nous traversons impacte tous les secteurs, dont celui de l'édition vidéo. Toutefois, vous repartez de plus belle avec des titres comme Les Mutinés du Téméraire et Incubus (John Hough – 1981). Comment voyez-vous l'avenir proche de Rimini ?
En ce qui concerne l'avenir, je pense que la clientèle qui achète des films du patrimoine va rester encore quelque temps fidèle au support physique, si on lui propose de belles éditions, et des titres qui n'ont pas été multi-édités. Ce sera le cas avec quelques raretés que je sortirai dans les prochaines semaines : Les Mutinés du Téméraire, Le Sillage de la violence (Baby the Rain Must Fall, Robert Mulligan - 1965)… En ce qui concerne l'avenir proche, la question est de savoir comment nous allons sortir de cette étrange période. Nous avons vécu deux mois avec une activité au point mort et les questions sanitaires pour seules préoccupations (ce qui était bien normal). Nous sortons désormais du confinement et les mauvaises nouvelles économiques commencent à tomber. Quel va être l'impact de ce climat sur le comportement des clients ? Difficile à dire.
Hanzo
Pour en savoir plus sur Rimini Editions, rendez-vous sur leur page Facebook en cliquant sur ce lien : https://www.facebook.com/rimini.editions
jeudi 21 mai 2020
Au programme du nouveau live de Culture Prohibée : La Hicksploitation
Bonjour à toutes et à tous,
Si le temps d’un déconfinement prudent est arrivé, nos studios restent fermés et nous sommes contraints de vous proposer des rediffusions de nos meilleures émissions radiophoniques.
Afin de toujours coller à l’actualité, nous multiplions les articles sur le blog et les vidéos bricolées à distance.
Notre nouveau live (visible ici : https://www.youtube.com/watch?v=_5tvSZs-lNo&feature=youtu.be) aborde la hicksploitation, voici son sommaire détaillé :
-Rednecks Movies Ruralité et dégénérescence dans le cinéma américain de Maxime Lachaud (Rouge Profond) ;
-La Colline a des yeux de Wes Craven (Program Store) ;
-La Colline a des yeux d’Alexandre Aja (20th Century Fox) ;
-Le crocodile de la mort de Tobe Hooper (Carlotta Films) ;
-Les chiens de paille de Sam Peckinpah (Aventi) ;
-Les chiens de paille de Rod Lurie (Sony) ;
-Tucker & Dale fightent le mal d’Eli Graig (Wild Side Video) ;
-Les Bootleggers de Joseph Sargent (MGM) ;
-Gator de Burt Reynolds (MGM) ;
-Course contre l'enfer (Fox Pathé Europa) ;
-La saga Détour mortel de Rob Schmidt, Joe Lynch, Declan O'Brien & Valeri Milev (20th Century Fox) ;
-Sans retour de Walter Hill (Aventi).
Vous pouvez vous abonner à notre chaîne You Tube en cliquant sur ce lien : https://www.youtube.com/channel/UCXRQa-8ocuv-de1g5UxVtSw.
Bon visionnage !
mercredi 20 mai 2020
Dans Culture Prohibée cette semaine : Emission spéciale BO avec les compositeurs Rob (Maniac) & Pascal Le Pennec (Louise en hiver)
Retrouvez cette semaine Culture Prohibée sur les antennes de nos radios partenaires (cf. liens ci-contre dans la rubrique "Nous écouter sur votre poste de radio").
Au programme de votre émission préférée consacrée à l'actualité de la contre-culture, une spéciale bande originale (BO), le sommaire :
-Débat entre les chroniqueurs concernant leurs compositeurs préférés ;
-Echanges avec Rob, connu pour avoir mis en musique, entre autre, Maniac version Frank Kalfhoun, Horns d’Alexandre Aja, Made in France de Nicolas Boukhrief et Le bureau des légendes d’Eric Rochant.
-Quelques propos de Pascal Le Pennec, compositeur des bandes sons de deux superbes longs métrages d'animation de Jean-François Laguionie, Le tableau & Louise en hiver.
Playlist de l'émission :
-Générique d'après DJ No Breakfast remixé par Léo Magnien (notre flamboyant ingénieur du son) ;
-Extraits des B.O. de Made in France (Rob), Marathon Man (Michael Small), Les frissons de l’angoisse (Goblin), Golden Gate (Elliot Goldenthal), La queue du scorpion (Bruno Nicolai), Contre une poignée de diamants (Roy Budd), Napoli Violenta (Franco Micalizzi), Louise en hiver (Pascal le Pennec) & Maniac (Chloë Alper & Rob).
Téléchargez l'émission de la semaine dernière
Téléchargez l'émission de la semaine dernière, une spéciale Samuel Fuller, le sommaire :
-Un retour sur A Fuller Life (2013), documentaire passionnant sorti chez Carlotta Films que Samantha Fuller a consacré à son père, l'illustre Samuel Fuller, réalisateur, entre autre, de Le Démon des eaux troubles (1954), Le jugement des flèches (1957) & Schock Corridor (1963) ;
-Une interview de Frank Lafond, auteur de l'ouvrage de référence Samuel Fuller Jusqu'à l'épuisement (Rouge Profond).
Téléchargez l’émission en suivant ce lien : http://podcast.grafhit.net/cultureProhibee/CP_S11E38.mp3
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Bonne écoute !!!
lundi 18 mai 2020
Interview de Kenny Bernard réalisateur des courts métrages Le Bobo et le clochard et The Cure
Traditionnellement, lors de chaque saison de Culture Prohibée, nous vous proposons une émission consacrée à l’art du court-métrage. Généralement, nous mélangeons l’évocation de productions professionnelles et indépendantes. Parmi les courts visionnés cette année, nous avons découvert ceux de l’autodidacte Kenny Bernard. Deux de ses productions nous ont particulièrement interpellées, Le Bobo et le clochard, qui voit un jeune yuppie subir la vengeance d’un sans domicile fixe, et The Cure, œuvre virale filmée pendant le confinement. Bien que réalisé sans un sou en poche, ses deux péloches s’avèrent bénéficier d’un découpage de qualité et d’une direction d’acteurs sans faille. Faute de pouvoir inviter Kenny Bernard dans notre studio, toujours fermé en raison de la crise sanitaire, voici un échange que nous avons eu avec lui par mail.
Le point de départ de Le Bobo et le clochard (2018) est un golden boy "en marche" échappé de la "start-up nation" qui ne veut pas donner une pièce à un clochard. Il lui conseille même d'aller chercher du boulot. Quelle place tient la satire dans ce que vous faites ?
La satire tient une place très importante dans mon œuvre. Ce court métrage part d'une situation qui n'a rien de drôle, qui est même carrément sinistre. Il me fallait donc la désamorcer quelque peu pour que ça colle avec le ton comédie noire, le côté cartoonesque du film. Je n'ai pas conçu le personnage du bobo comme une représentation réaliste de la classe privilégiée. C'est plus une caricature. Le clochard non plus n'est pas une représentation réaliste de la classe défavorisée, puisqu'en fin de compte, il joue un jeu. Je ne me vois pas comme un donneur de leçon, et ça ne m'intéressait pas de faire un film qui se limite à une opposition "gentil pauvre / méchant riche". Trop facile. C'est plus un film sur l'hypocrisie en général : les deux protagonistes avancent masqués. Le bobo va à la messe pour se donner un air respectable et le prêtre se déguise en clochard pour susciter la pitié. Il est d'ailleurs ironique que le bobo meurt parce qu'il s'est montré tel qu'il est vraiment, alors que le clochard dissimule jusqu'au bout sa vraie nature. Ça ne me déplairait d'ailleurs pas de le réemployer dans une séquelle, voir un long métrage basé sur ce court... La satire compte pour moi car elle me permet d'une certaine manière de pratiquer une forme d'humour, ingrédient dont on pourrait dire qu'il manque à la plupart de mes scénarios. Il est vrai que je suis plutôt porté sur les sujets sombres, mais je n'en apprécie pas moins la comédie. En tant qu'acteur, je suis surtout employé dans des rôles comiques et faire rire le public est un privilège. Mais il faut véritablement avoir un don pour ça, tout comme il faut en avoir un pour écrire le scénario d'une bonne comédie. Ecrire une pure comédie est un défi très intimidant pour moi. Alors, en attendant de trouver la force de m'y atteler, j'essaie de distiller dans mes scénarios actuels une touche d'humour par le biais de la satire.
Le Bobo et le clochard démarre par une référence à Etienne Chatiliez. Quels sont les films et réalisateurs qui vous ont donné envie de faire du cinéma ?
Si j'ai choisi de faire siffler cet air au prêtre/clochard, c'est surtout qu'il me fallait un air entraînant qui évoque tout de suite l'église et que c'est le premier qui m'est venu à l'esprit ! Au niveau des influences cinématographiques, elles sont à chercher d'abord dans les dessins animés. Je dirai qu'une des premières est un passage bien précis du Blanche Neige de Walt Disney : celui où l'héroïne s'enfuit dans la forêt et croit voir les arbres et les racines autour d'elle se transformer en monstres menaçants. C'était mon premier contact avec le monde de l'épouvante mêlé à celui de la féerie, et c'est un mélange que j'adore véritablement. Ensuite, il y a eu la série animée des Aventures de Tintin en 1992, avec l'épisode Les Sept boules de cristal, qui m'a considérablement traumatisé avec, là encore, une atmosphère proche de l'épouvante liée au personnage de la momie inca Rascar-Capac et à l'histoire de malédiction. Là, c'est le mélange horreur/polar qui m'a marqué, et c'en est également un pour lequel j'ai une grande affection. Pour les films, mes deux plus grands chocs de jeunesse furent sans doute Terminator 2 et Jurassic Park. C'est avec eux que j'ai pris conscience de la magie du cinéma, de la puissance émotionnelle que pouvaient transmettre les images ainsi que les effets spéciaux. Sans doute est-ce à partir de là que j'ai décidé - même inconsciemment - que je ferai des films plus tard. Au niveau des réalisateurs que j'admire et qui m'inspirent le plus, il y en a tellement et j'en ai encore tant à découvrir ! Mais si je devais faire un top 10 pour le moment, je dirais : Quentin Tarantino, Oliver Stone, Tim Burton, Jean Rollin, Albert Dupontel, Olivier Marchal, Jean Becker, Robert Bresson, Yasujiro Ozu et Dario Argento. J'ai une affection particulière pour Jean Rollin car, malgré les difficultés de plus en plus grandes pour faire produire ses films, il est resté jusqu'au bout fidèle à son style si particulier, empreint de poésie, qui pouvait déplaire mais que personnellement j'adore. J'aurai tant aimé tourner pour lui...
The Cure, avec son médecin détenant une information importante concernant un virus ravageant la planète, que vous avez réalisé pendant le confinement avec pas mal de contraintes techniques, s'appuie sur l'actualité. C'est important, pour vous, de parler du monde qui vous entoure à travers le cinéma de genre ?
Absolument. Je ne peux pas écrire sans m'inspirer, même à un degré minime, d'événements réels. Le Bobo et le clochard prenait déjà pour base un fait réel survenu aux USA - pas aussi dramatique que ce qui est décrit dans le film, loin de là. Néanmoins ça m'avait marqué, et je m'étais dit qu'il serait intéressant de faire un film inspiré de cet événement. La base de mes histoires est bien souvent un fait divers ou un événement marquant tel que le confinement que nous avons vécu, et à partir duquel je construis mon histoire. J'ai un grand attrait pour l'Histoire et je voudrai, à l'avenir, écrire des scénarios traitant de personnages et/ou d'événements historiques des siècles passés. Mais il me faudrait vraisemblablement l'aide d'historiens, de journalistes spécialisés...afin de bien traiter mon sujet.
Dans ces deux courts métrages, vous pratiquez le mélange des genres : Humour, horreur, satire sociale, SF. En quoi ce mélange est important pour vous ?
Comme je l'ai indiqué plus haut, j'ai découvert le mélange de genres grâce à ce passage dans Blanche-Neige et à l'épisode de Tintin. Ça a beaucoup marqué l'enfant que j'étais. Sans doute ma volonté de mélanger plusieurs genres dans mes propres films résulte-t-elle, en partie, de ces deux traumatismes de jeunesse. Sinon, un de mes films préférés est Une Nuit en Enfer de Robert Rodriguez d'après un scénario de Quentin Tarantino, qui démarre comme un polar classique avant de se transformer en film d'horreur dans la seconde partie. C'était plutôt bien fichu et ça permettait aux auteurs de rendre hommage à la fois à leurs réalisateurs de polars et de films d'horreur favoris. J'espère faire de même avec mes propres mélanges, sans pour autant négliger le scénario. Car rendre hommage à ses maîtres, c'est bien mais ça ne compensera jamais une histoire bancale. Enfin, fut un temps je lisais beaucoup de bandes-dessinées. Dans pas mal d'entre elles, je constatais un mélange des genres - notamment Thorgal qui mêle entre autres les genres héroïc-fantasy, péplum, horreur... Ça m'a sans doute également inspiré.
Dans vos films, il y a une grande variété de plans, un découpage soigné, je suppose que votre méthode de travail passe par un storyboard très précis ?
Tout à fait. Pour tous mes films, j'ai conçu moi-même le storyboard, et le résultat à l'écran est à chaque fois à 98,99% ce que j'avais imaginé au départ. Le storyboard est pour moi un outil indispensable. Je ne peux imaginer, surtout sur un tournage rapide et sans budget, débarquer le premier jour sans savoir où placer la caméra. Il est primordial pour le réalisateur de montrer à son équipe qu'il sait où il va et qu'il est au minimum organisé. Un des jeunes techniciens sur Le Bobo et le clochard, qui avait déjà participé à des tournages avant, m'a dit qu'il avait rarement vu un tournage aussi bien préparé que celui-là. Pour moi, c'était le plus beau compliment.
Quelle est la réalité budgétaire de vos courts - sachant que vous précisez avoir réalisé Le Bobo et le clochard pour 65 Euros ? Arrivez-vous à susciter l'intérêt de producteurs ?
Pour Le Bobo et le clochard, ce chiffre est bien le budget réel. Les techniciens disposaient déjà de leur propre matériel, je n'ai donc rien eu à débourser de ce côté-là. Les seules dépenses ont été pour les costumes du prêtre et de la nonne, pour un pot de faux sang ainsi, bien sûr, que pour les repas. Pour mes 4 autres films, ils n'ont strictement rien coûtés. J'ai occupé tous les postes techniques et parfois même je jouais dedans, c'était donc assez rocambolesque. Mon seul regret est que je les ai tournés au caméscope, d'où une qualité d'image qui fait très amateur, et sans micro ce qui, évidemment, donne finalement un son pas top. Pour The Ascent, qui est entièrement muet, ce n’était pas un souci mais pour The Cure c'est plus gênant. Mais je suis en train de retravailler le film pour essayer de corriger ce problème au mieux. Il est dit que "le cinéma, c'est de l'argent". Du coup ceux qui n'en ont pas ou peu hésitent à se lancer pour faire un film, et finissent par ne rien faire à moins de trouver un producteur. Moi, je me suis lancé parce que j'avais plus peur de ne rien faire que de le faire avec les moyens du bord, pour un résultat imparfait. Alors certes, le résultat est loin d'être parfait, mais il est là. C'est ce qui compte. Finalement, je me situerai dans la mouvance d'un Ed Wood qui disait pour sa part : "Qu'importe les moyens, pourvu qu'on ait le film !" Si je ne devais devenir que le "Ed Wood français", je n'aurai rien contre. Ça serait toujours mieux que rien... Après, évidemment que j'aimerais qu'on me donne de l'argent pour faire mes films. Même pas beaucoup. Et puis, sans producteur derrière, c'est quasiment impossible pour un film d'être diffusé. Mais vu les univers que j'affectionne, je crains que mes scénarios ne rebutent les sociétés de productions françaises plus qu'ils ne les attirent. Dernièrement, une personne influente à qui j'avais envoyé un de mes scénarios, mélange de fantastique et de fantasy, m'a fait la réponse suivante : "En France, on ne sait pas faire ce genre de films". Voilà le genre de commentaire qui me hérisse. Car qui est ce "on" dont cette personne parle ? Les réalisateurs d'hier ? Ça serait faux, puisque notre cinéma a livré à une époque des chefs-d’œuvre du cinéma de genre. Les réalisateurs d'aujourd'hui ? Peut-être. Encore que certains demanderaient sûrement à pouvoir œuvrer dans le film de genre, pourvu qu'un producteur leur fasse confiance. Et ceux de demain ? On ne peut pas savoir à l'avance ce qu'ils sauront faire ou pas. Le problème du cinéma français actuel, à mon sens, c'est qu'il ne s'autorise plus à rêver comme ça a pu être le cas à une époque. Ce qui importe avant tout, c'est qu'un film rapporte de l'argent. Et comme les films d'auteurs, les mélodrames et les comédies rapportent le plus chez nous, alors les producteurs feront toujours passer le cinéma de genre au second plan si ce n'est au troisième. On préfère les valeurs sures à la prise de risque. Et vu la période catastrophique que le cinéma Français a connu ces 2 derniers mois à cause du confinement, il est à craindre que ça ne change pas de sitôt.
Un autre souci, c'est celui du culte de la formation en France. Si un aspirant réalisateur débarque sans être passé au préalable par une grande école de cinéma et sans diplôme, alors forcément on va hésiter à lui confier un budget pour réaliser ne serait-ce qu'un court métrage. Là, c'est déjà plus compréhensible, mais il n'empêche qui si le gars sait écrire un scénario, qu'il a des idées très précise sur le style qu'il veut donner à son film et qu'il s'y connaît au minimum sur le plan technique, je pense qu'il mérite quand même d'avoir sa chance. Et là, je ne parle pas forcément pour moi. Je pense d'ailleurs que dans mon cas, il faudrait que j'approfondisse mes connaissances techniques avant de me présenter à un producteur. Mais il y en a sans doute d'autres, plus doués que moi et tout aussi motivés, qui espèrent qu'on leur donnera leur chance... Il n'empêche que j'ai déjà envoyé certains de mes scénarios à des boîtes de production. Hélas, les rares qui étaient centrées sur le cinéma de genre ont fermé, du coup je me tiens au courant de l'actualité dans l'espoir que de nouvelles ouvriront à l'avenir. Mais je sais aussi que je ne dois pas me limiter à la France. Mon univers a peut-être plus de chances d'intéresser à l'étranger, comme en Belgique par exemple. Il y a plus de fous, là- bas ! Ou sinon en Angleterre, un pays que j'affectionne beaucoup puisque c'est celui de la Hammer Films. L'année dernière je suis entré en contact avec un réalisateur français qui avait ouvert une société de production à Londres, spécialisée dans le cinéma de genre. En septembre dernier, sachant qu'il devait participer à un festival de cinéma, je m'y étais rendu en grande partie pour le rencontrer et discuter projets. Malheureusement, il s'est avéré qu'il était malade et n'a donc pas pu venir...J'espère qu'une nouvelle occasion se présentera bientôt. Le moyen le plus sûr pour se faire remarquer pour l'instant reste donc les festivals. J'envoie mes courts partout dans le monde, les plus aboutis du moins. J'aimerai bien envoyer The Cure, mais j'attends de corriger le problème de son avant. Et il faudra sans doute aussi que je le sous-titre en anglais comme je l'avait fait pour Le Bobo et le clochard.
Vous interprétez des méchants dans les deux courts que nous venons d'évoquer, c'est une vocation chez vous ?
Complètement ! Les méchants sont les meilleurs rôles, c'est bien connu ! Et puis comme je l'ai dit, on a souvent tendance à me donner des rôles comiques, alors ça me change. J'ai un immense plaisir à jouer les salauds, veules, lâches, hypocrites...j'en redemande !
Quels sont vos projets ?
J'ai écrit une nouvelle pièce de théâtre pendant le confinement, que j'aimerai bien mettre en scène. Ça serait mes débuts dans la mise en scène de théâtre. J'ai aussi de nouveaux scénarios sur le feu, un nouveau court métrage à tourner dans le cadre des projections Kino de Grenoble, un autre plus ambitieux que j'espère également réaliser bientôt...Et aussi, toujours ce projet de long métrage qui serait réalisé sans trop de moyens, et pour lequel il me reste à motiver des gens !
Hanzo
Les photos 1, 2 & 6 de Le Bobo et le clochard sont l'œuvre de Naoko Olivier.
dimanche 17 mai 2020
Les nouveautés Artus Films dans la boutique des Films de la Gorgone
Un gros arrivage en provenance d'Artus Films vient de débarquer dans la boutique de l'association qui coproduit Culture Prohibée : Les Films de la Gorgone.
Il est constitué de quatre titres dont le magnifique Vij de Konstantin Ershov, grand classique du cinéma russe d'après Gogol dans un superbe master 2K restauré. Cet incroyable film d'épouvante de 1967, longtemps le seul produit en URSS, est disponible, accompagné d'un livre, dans un magnifique combo BR/DVD.
Côté cinéma Bis italien, Emanuelle et les derniers cannibales de Joe D'Amato est édité en combo BR/DVD, là aussi dans un incroyable master 2K restauré. Ce film fou de 1977 est ici présenté en version intégrale et accompagné d'une flopée de bonus dont un ouvrage de l'ami David Didelot.
Ces deux combos ne viennent pas seuls, il sont accompagnés de deux pépites de la SF allemande présentées sous forme de digipacks.
L'Etoile du silence (1960) de Kurt Maetzig et Signal (1970) de Gottfried Kolditz sont deux oeuvres produites par la République démocratique d'Allemagne, rien que pour cette raison, leur vision est indispensable !
Toutes ces merveilles sont disponibles en cliquant sur le lien suivant : http://www.lesfilmsdelagorgone.fr/topic2/index.html.
Et si vous êtes impatients, contactez la boutique via ce mail : hanzozerazor60@gmail.com
jeudi 14 mai 2020
Dans Culture Prohibée cette semaine : Emission spéciale Samuel Fuller avec Frank Lafond auteur de Samuel Fuller Jusqu'à l'épuisement (Rouge Profond)
Retrouvez cette semaine Culture Prohibée sur les antennes de nos radios partenaires (cf. liens ci-contre dans la rubrique "Nous écouter sur votre poste de radio").
Au programme de votre émission préférée consacrée à l'actualité de la contre-culture, une spéciale Samuel Fuller, le sommaire :
-Un retour sur A Fuller Life (2013), documentaire passionnant sorti chez Carlotta Films que Samantha Fuller a consacré à son père, l'illustre Samuel Fuller, réalisateur, entre autre, de Le Démon des eaux troubles (1954), Le jugement des flèches (1957) & Schock Corridor (1963) ;
-Une interview de Frank Lafond, auteur de l'ouvrage de référence Samuel Fuller Jusqu'à l'épuisement (Rouge Profond).
Un grand merci à Mathilde Gibault et Guy Astic pour leur aide sur cette émission.
Playlist de l'émission :
-Générique d'après DJ No Breakfast remixé par Léo Magnien (notre flamboyant ingénieur du son) ;
-Extraits des B.O. de Sans espoir de retour (Karl-Heinz Schäfer & Keith Carradine), Quarante tueurs (Harry Sukman), Dressé pour tuer (Ennio Morricone), Au-delà de la gloire (Dana Kaproff), Le port de la drogue (Leigh Harline) & Police spéciale (Paul Dunlap).
Téléchargez l'émission de la semaine dernière
Téléchargez l'émission de la semaine dernière, une spéciale cinéma indépendant allemand, le sommaire :
-Rencontre avec Julian Schöneich, réalisateur de Roulette - A Game of Chance (Artus Films & Sin'Art) ;
-Interview de Marco Pultke, metteur en scène de Verloren (Artus Films & Sin'Art).
Téléchargez l’émission en suivant ce lien : http://podcast.grafhit.net/cultureProhibee/CP_S11E37.mp3
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Bonne écoute !!!
lundi 11 mai 2020
Entretien avec David Da Silva auteur de Cultural Studies et Hollywood, le passé remanié (Editions LettMotif)
Malgré le déconfinement annoncé, nos studios de radio restent fermés. Aussi, notre rédaction a décidé de vous proposer des chroniques et entretiens au sujet de films et de livres qui devaient être abordés dans nos émission du deuxième trimestre. La première interview concerne l'ouvrage Cultural Studies et Hollywood, le passé remanié paru aux éditions LettMotif (disponible ici). Il est signé David Da Silva, un habitué de Culture Prohibée qui a déjà consacré plusieurs essais à des acteurs populaires et aux liens entretenus entre la politique et le cinéma (pour faire plus ample connaissance avec son œuvre, cliquez sur ce lien). Il revient, en notre compagnie, sur Cultural Studies et Hollywood, le passé remanié.
Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs ce que sont les Cultural Studies ?
Les Cultural Studies apparaissent, dans les années 1950, dans la société britannique d’après-guerre. Ces nouvelles recherches se penchent sur les changements sociaux, comme l’immigration ou la disparition progressive de la classe ouvrière. Les changements culturels sont également étudiés, avec l’influence de la culture américaine et la propagation de la culture de masse. Edward Thompson, Raymond Williams et Richard Hoggart se penchent sur la formation de la classe ouvrière, les cultures populaires et les contestations culturelles. Ces préoccupations proviennent de chercheurs issus d’un milieu ouvrier et qui découvrent le monde de l’Université. En 1957, Hoggart publie un ouvrage, La Culture du pauvre, dans lequel il étudie l’influence de la culture diffusée par la classe ouvrière par le biais des moyens de communication moderne. Les Cultural Studies relient la culture et les problèmes de société. Mais la culture élitiste et bourgeoise n’est plus centrale. Au contraire, ce sont les cultures populaires qui deviennent valorisées.
Partant de cette définition, votre livre est, dans un premier temps, constitué d’un historique. Il en ressort que ces recherches partaient plutôt d’une bonne intention avant d’être totalement dévoyées. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Les Cultural Studies vont traverser l’Atlantique pour s’imposer progressivement dans les universités américaines. Depuis les années 1930, en effet, les universités adoptaient une approche historique très différente, et même opposée. Sous l’impulsion de chercheurs comme Perry Miller, les universitaires tentaient de définir intellectuellement et existentiellement la civilisation américaine. Il fallait en somme rendre compte des origines du pays et indiquer clairement ce que signifie « être » américain. Plusieurs universités, dont celle prestigieuse de Yale, ont créé un département d’Histoire, Arts et Lettres où l’on tentait de démontrer qu’il existe un « esprit américain », représenté par des valeurs comme l’optimisme, l’idéalisme, le pragmatisme, l’innocence ou encore l’individualisme. Pour définir l’esprit américain, les universitaires ont mis en œuvre une approche pluridisciplinaire. Ainsi, l’histoire, la sociologie, la littérature ou la politique ont été sollicités pour décrire au mieux les mythes de la société américaine (l’Ouest américain, la Frontière, la Destinée Manifeste…). Selon les chercheurs issus des American Studies, l’Amérique était donc un ensemble de valeurs partagées qui permettait de définir le fameux esprit américain et d’unifier le pays malgré le melting-pot. L’histoire américaine devait être mythifiée afin de forger une identité nationale forte. Cette dernière était évidemment représentative de l’idéologie WASP, et elle était censée permettre l’union du pays en dépit des clivages sociaux et ethniques. Cette conception de la nation a fonctionné durant de nombreuses années (le melting-pot), mais elle a commencé à se fissurer progressivement devant les multiples contradictions de la société outre-Atlantique. Comme l’a remarqué Marc Ferro, les États-Unis sont passés de l’idéologie du « melting-pot » - où la guerre civile est envisagée comme fondatrice de la cohésion sociale - à celle du « salad-bowl », qui conteste la théorie de la nation unie et met en avant l’idée de cultures variées sur un même territoire. De fait, la crise sociétale des années 1960 et 1970 aux États-Unis va bouleverser durablement les fondements de la société. Les mythes américains vont être définis comme étant ceux de la majorité blanche hétérosexuelle des élites du pays. La contre-culture va vouloir déconstruire cette histoire mythifiée afin d’accorder une place légitime aux minorités qui forment la société américaine. C’est ainsi que les American Studies vont progressivement laisser leur place aux Cultural Studies, exportées par les chercheurs anglais aux États–Unis avec l’apparition de divers départements soulignant le caractère hétérogène de la civilisation américaine. On peut notamment citer les African American Studies, les Gender Studies, les Queer Studies, les Native American Studies, les Jewish Studies… Les Cultural Studies vont se démarquer des American Studies en ne s’intéressant plus aux grandes œuvres, mais à la culture populaire et à la réception des œuvres par le public. Hollywood, de nos jours, est évidemment très influencé par cette nouvelle idéologie qui promeut les minorités, et plusieurs films vont totalement renverser la traditionnelle vision triomphante du mâle blanc hétérosexuel. Par exemple, le western va subvertir l’habituelle vision manichéenne qui magnifie le cow-boy blanc face à la menace de l’indigène violent et sauvage. Cette description simpliste commencera à changer à partir des années 1960. Des films comme Little Big Man (1970) d’Arthur Penn ou Soldat bleu (1970) de Ralph Nelson vont plutôt mettre en avant les massacres de l’armée américaine et les habituels « bourreaux » des histoires de cow-boy vont devenir les « opprimés ».
Vous reprenez, dans votre ouvrage, chacune des catégories concernées par des Cultural Studies. Le constat réalisé fait apparaître une grande distorsion entre le ressenti du public et celui des chercheurs. Vous citez, entre autres exemples, Hidalgo (Joe Johnston-2004) ayant été analysé comme antiféministe tout en ayant beaucoup plu au public féminin. Comment l’expliquez-vous ?
L'obsession de ces études estampillées Studies est de démontrer qu'une minorité est forcément discriminée dans un produit culturel: ainsi, par exemple, une femme est sans cesse victime de stéréotypes de la part des hommes à l'origine du projet... C'est leur fond de commerce et cela nuit grandement à l'ensemble car certaines réflexions peuvent être pertinentes. Ainsi, le personnage féminin d'un film assez inoffensif comme Hidalgo (axé plutôt sur les Native American Studies) est méprisé par les spécialistes de ces disciplines alors que le public féminin, en général, apprécie grandement le film sans se sentir "discriminée".
Malgré le hiatus évoqué dans la précédente question entre public et universitaires, comment expliquez-vous l’influence grandissante des Cultural Studies sur la production cinématographique US ?
Il est important de rappeler que les jeunes Américains sont plus cinéphiles que les plus âgés. Les 18-24 ans ont assisté à 6,5 films par an en moyenne, tandis que les 60 ans et plus n'en ont vu que 2,3. Les jeunes américains sont donc un public-cible très important pour les studios. Le jeune public, souvent universitaire et sensible aux idées du parti démocrate, rapporte beaucoup d’argent et les messages des films vont donc beaucoup dans le sens des Cultural Studies. C'est donc principalement du marketing et j'explique beaucoup plus précisément cela dans mon livre.
Le phénomène ne risque t’il pas de débarquer en France ? L'intervention d'Aïssa Maïga lors des Césars 2020 peut le laisser penser...
En effet, nous sommes en plein dans le conflit de minorités que je décris dans mon ouvrage. Les Cultural Studies et dérivés sont désormais la nouvelle doxa dans les universités françaises et on ne compte plus les colloques ou journées d’étude consacrés à ce champ d’étude en France. Rappelons qu’une pièce de théâtre, Les Suppliantes d’Eschyle, a été initialement annulée à la Sorbonne pour cause de blackface (se grimer en noir pour se moquer des Noirs) alors que le metteur en scène souhaitait uniquement rester fidèle aux pratiques théâtrales antiques… Dans lesquelles le blackface n’existait pas !
Hanzo