mardi 26 mai 2020
Retour sur les dernières sorties BR/DVD de la société Rimini Editions en compagnie de son directeur Jean-Pierre Vasseur
Malgré le déconfinement, nos studios sont toujours fermés. Aussi, via notre blog, nous vous proposons de découvrir les dernières sorties vidéo qui auraient dû être chroniquées dans notre émission radiophonique. Nous abordons, dans ce billet, le travail d’un éditeur indépendant : Rimini Editions. Ce label, qui fait la joie des cinéphiles depuis 2012, propose, majoritairement, des films de patrimoine - pour en savoir plus sur le sujet, procurez-vous le mook Revus & corrigés disponible dans la boutique de notre partenaire Les Films de la Gorgone en suivant ce lien : http://www.lesfilmsdelagorgone.fr/topic2/index.html. Aujourd'hui, nous vous proposons un point sur les dernières sorties de cette société ainsi qu’un entretien avec son directeur : Jean-Pierre Vasseur.
La Rose et la flèche
Le 18 février est sorti La Rose et la flèche (Robin and Marian - 1976), l’une des plus belles réussites de Richard Lester. Bien loin de ses élucubrations « Beatles – iennes » (Quatre garçons dans le vent, A Hard Day's Night en 1964 ; Help en 1965), le metteur en scène du formidable Petulia (1968) livre ici l’une des plus singulières adaptations du mythe de Robin des bois. Ce dernier, campé par Sean Connery, revient accompagné de son fidèle Petit Jean (Nicol Williamson) des guerres de croisade. Cela fait vingt longues années qu’il a abandonné son éternel amour, Marian (Audrey Hepburn), qu’il retrouve abbesse. Robin décide d’engager un dernier combat contre l’inamovible shérif de Nottingham (Robert Shaw) et pour reconquérir le cœur de Marian.
Avec Lester, Robin des bois se fait baudelairien. Tout le film semble gagné par le spleen. Ses personnages vieillissants sont des fantômes tentant de continuer à faire vivre une histoire appartenant au passé. D’ailleurs, Lester n’a rien perdu de son mordant, détruisant le mythe Richard Cœur de Lion (Richard Harris), roi devenu ennemi de son peuple. C’est aussi l’occasion, pour Lester, de dénoncer les absurdités de la guerre dont celle du Vietnam qui vient de se terminer. Mais La Rose et la flèche n’est pas un film à thèse, c’est avant tout un superbe mélodrame amoureux ponctué de batailles teintées de tartufferie. Et si vous ne pleurez pas lors de l’émouvant final, c’est que vous n’avez pas de cœur. Vous l’aurez compris, nous vous incitons fortement à revoir ce classique méconnu.
Avanti!
Autre pépite sorti de l’oubli par Rimini, Avanti! (1972) est un film de l’immense Billy Wilder disponible depuis le 17 mars. Le réalisateur de, entre autres classiques, Assurance sur la mort (Double Indemnity - 1944), Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard - 1950), Le Gouffre aux chimères (The Big Carnival – 1951), signe avec Avanti! l’un de ses derniers travaux. Il y retrouve son complice de toujours Jack Lemmon (Certains l'aiment chaud, Some Like It Hot en 1959 ; La Garçonnière, The Apartment en 1960 ; Irma la douce en 1963 ; La Grande Combine, The Fortune Cookie en 1966). Ce dernier est Wendell Armbruster, Jr., grand patron étasunien venu en Italie pour faire rapatrier le corps de son père décédé lors d’un accident de la route alors qu’il était avec sa maîtresse. Celle-ci a une fille, Pamela (Juliet Mills) dont Armbruster tombe amoureux.
Wilder est venu en Europe tourner cette comédie romantique car il est déçu par les studios hollywoodiens qui viennent de mutiler son film La Vie privée de Sherlock Holmes (The Private Life of Sherlock Holmes, 1970). Il revient se frotter au Vieux Monde, stigmatisant, au passage, l’arrogance américaine – cf. les reproches de Pamela à Armbruster. Ce qui est fascinant dans ce film est la manière dont Wilder malaxe les clichés pour servir son propos ; rien n’est oublié des maux de l’époque : de la crise économique à la Grèce des Colonels en passant par les Années de Plomb. Wilder nous invite à nous perdre amoureusement dans une Italie rêvée… Comment y résister ?
Les Mutinés du Téméraire
Restons sur les eaux pour ce trésor exhumé par Rimini Editions : Les Mutinés du Téméraire (H.M.S. Defiant - 1962) de Lewis Gilbert, qui sortira le 2 juin. Le réalisateur du James Bond L’espion qui m’aimait (The Spy Who Loved Me – 1977), avec Roger Moore, Barbara Bach, Caroline Munro et l’hirsute Richard Kiel dans le rôle de Dents de Requin (un des plus savoureux seconds rôles de la saga), a eu, en Grande-Bretagne, une première partie de carrière que le public français connait peu – voire pas du tout. Les Mutinés du Téméraire est l’une de ses œuvres oubliées.
Elle se déroule en 1797, lorsque le « Téméraire » est envoyé rejoindre la flotte britannique en mer méditerranée, et conte l’affrontement entre le cruel lieutenant Scott-Padget (Dirk Bogarde), qui martyrise son équipage, et le bienveillant Capitaine Crawford (Sir Alec Guinness). A la tension psychologique s’ajoutent d’épiques scènes de batailles ainsi qu’une superbe partition du compositeur de la bande-originale de Rendez-vous avec la peur (Night of the Demon, Jacques Tourneur – 1957) : Clifton Parker. Cette mutinerie est l’une des plus célèbres d’Angleterre, elle a inspiré un superbe tableau à Turner que l’on peut apercevoir dans l’un des meilleurs James Bond, Skyfall (2012) de Sam Mendes. Décidément, lorsqu’il est question de cinéma britannique, peu importe l'identité du metteur en scène, il y a toujours un 007 dans le coup !
Patrick
Le 6 mars, Rimini a vu sa collection fantastique s’enrichir d’un classique de la Ozploitation (cinéma d’exploitation australien), le Grand Prix du Festival international du film fantastique d’Avoriaz 1979 : Patrick (1978) de Richard Franklin. Une péloche horrifique singulière durant laquelle un psychopathe comateux doué de télékinésie, Patrick (Robert Thomson), harcèle son infirmière Kathy (Susan Penhaligon). Bien que totalement immobilisé et inexpressif, à l’exception de quelques crachats, Patrick est capable d’agir à distance sur les objets, voire d'exercer une pression physique sur un nageur pour le noyer. Pas de chance pour Kathy, Patrick tombe amoureux d’elle et il se révèle fort jaloux !
Si Richard Franklin, réalisateur des excellents Déviation mortelle (Roadgames - 1981) et Link (1986), est un artisan doué, il ne peut éviter quelques longueurs à son thriller qui aurait gagné à être plus rythmé. Toutefois, le film conserve un étonnant pouvoir de fascination, en particulier grâce au très magnétique Robert Thomson dans le rôle-titre. Sa relation avec Kathy est suffisamment ambiguë pour captiver le spectateur. Et puis Franklin, en grand amateur d’Hitchcock, signe quelques belles scènes de suspense dont un final particulièrement troublant. Pour en savoir plus sur l’un des maîtres de la série B australienne, nous vous invitons à visionner les bonus de cette édition fort complète.
Hell Night
Plus méconnu, malgré la présence dans son casting de Linda Blair, alias Regan dans L’Exorciste (The Exorcist, William Friekin – 1973), Hell Night (sorti depuis le 22 mai) est un slasher de 1981 signé Tom DeSimone. Ce dernier a une carrière atypique puisque, parallèlement à sa filmographie classique, il est, sous le pseudonyme de Lancer Brooks, l’un des pionniers du porno gay. En 1977, il signe Chatterbox, le remake américain du classique polisson tourné par Claude Mulot en 1975 : Le Sexe qui parle. Sorti de l’érotisme, Tom DeSimone est surtout connu pour le film carcéral Quartier de femmes (The Concrete Jungle – 1982) ainsi que pour quelques épisodes de la série télévisée Les Cauchemars de Freddy (Freddy's Nightmares – 1988 à 1990). Hell Night, malgré un accueil très mitigé lors de sa sortie est devenu, au fil du temps, une œuvre qui jouit d’un certain culte.
Linda Blair y est Marti, une étudiante issue de la classe populaire qui, en guise de bizutage, doit passer une nuit dans un vieux manoir qui serait hanté par un tueur monstrueux. Elle est accompagnée de Jeff (Peter Barton), un fils de bonne famille, la délurée Denise (Suki Goodwin), et Seth (Vincent Van Patten), un surfeur décérébré. Bien sûr, ce qui devait être un jeu tourne au drame lorsqu’un assassin sadique surgit. Hell Night est plus un film gothique qui s’amuse des conventions du film de maison hantée qu’un slasher horrifique, en effet, l’hémoglobine coule peu. Le décorum semble plus intéresser DeSimone ; le final, souterrain, est particulièrement réussi. Hell Night est une œuvre sans prétention à réévaluer. Pour en savoir plus, nous sommes allés à la rencontre de l’homme derrière toutes ces belles éditions, le patron de Rimini : Jean-Pierre Vasseur.
Rencontre avec Jean-Pierre Vasseur
Qu'est ce qui a motivé la création, en 2012, de Rimini Editions ?
Après avoir travaillé de nombreuses années chez Opening, j'ai décidé de créer, en 2012, Rimini Editions, en raison de l'évolution du marché de la vidéo. A l'époque, j'ai eu le sentiment que, pour pouvoir continuer d'exister sur ce marché, il allait falloir être ou très gros ou tout petit. Par la force des choses, la seconde option s'est imposée à moi : Rimini Editions est une toute petite structure, je suis seul à bord et cela me permet d'avoir des coûts de fonctionnement réduits.
Rimini est désormais, à 80%, tourné vers l'édition de films liés au cinéma de patrimoine. Qu'est-ce qui motive vos choix éditoriaux qui vont du grand classique (Les Vikings, The Vikings, Richard Fleischer - 1958) au slasher (Happy Birthday to Me, Jack Lee Thompson - 1981) en passant par des séries télé (Commando spatial, Theo Mezger, Michael Braun, 1966) ?
Le choix des films édités par Rimini Editions répond à plusieurs critères. Le premier de ces critères est, bien sûr, l'intérêt que je peux avoir pour ces films. Je suis seul dans la société : mes goûts personnels conditionnent pour une bonne partie mes acquisitions, et comme je peux être éclectique, cela donne une variété au catalogue. Il y a aussi des oeuvres que l'on me fait découvrir, que l'on me recommande. Par exemple, je ne connaissais pas la série Commando Spatial. Quelqu'un m'a recommandé cette série, et j'ai trouvé amusant de la proposer en vidéo.
Il faut apporter une nuance à cela, liée à la disponibilité des titres : nous, éditeurs, devons faire nos choix dans des listes de films mis à disposition par les ayants-droits, donc ces choix sont par définition limités.
Un troisième élément de choix peut être lié au besoin d'alimenter des collections. Rimini Editions a développé, par exemple, une collection Billy Wilder ou une collection Horreur. Il y a sans doute des titres dans ces collections que je n'aurais pas édités si je n'avais pas disposé de ces collections. Par exemple, La Valse de l'empereur (The Emperor Waltz - 1948) ne fait pas partie de mes Billy Wilder préférés, et je ne l'aurais sans doute pas édité seul. Mais, à partir du moment où existe la collection, il y a évidemment toute sa place.
A travers votre parcours professionnel, vous avez travaillé sur tous les supports vidéo, de la VHS au Blu-ray. Quel regard portez-vous sur le Blu-ray et ses possibilités ? Aujourd'hui certains éditeurs indépendants abandonnent le DVD (Le Chat qui fume), d'autres se mettent à la vidéo à la demande(Artus Films) ...
Pour le moment, je n'envisage pas d'abandonner le DVD. A titre personnel, je n'achète que du blu-ray, mais une partie de nos clients restent attachés au DVD : de quel droit leur imposer de changer de support ? Néanmoins, il se peut qu'un jour notre marché soit essentiellement un marché de Blu-ray. Mais ce n'est pas le cas pour le moment.
Parmi vos éditions, certaines, magnifiques, ont marqué les cinéphiles. Y a-t-il un de vos collectors qui vous tient plus particulièrement à cœur ?
Le collector qui me tient le plus à cœur est le coffret Les Vikings, parce que c'était le premier, que le film est une merveille et un grand souvenir d'enfance.
La crise que nous traversons impacte tous les secteurs, dont celui de l'édition vidéo. Toutefois, vous repartez de plus belle avec des titres comme Les Mutinés du Téméraire et Incubus (John Hough – 1981). Comment voyez-vous l'avenir proche de Rimini ?
En ce qui concerne l'avenir, je pense que la clientèle qui achète des films du patrimoine va rester encore quelque temps fidèle au support physique, si on lui propose de belles éditions, et des titres qui n'ont pas été multi-édités. Ce sera le cas avec quelques raretés que je sortirai dans les prochaines semaines : Les Mutinés du Téméraire, Le Sillage de la violence (Baby the Rain Must Fall, Robert Mulligan - 1965)… En ce qui concerne l'avenir proche, la question est de savoir comment nous allons sortir de cette étrange période. Nous avons vécu deux mois avec une activité au point mort et les questions sanitaires pour seules préoccupations (ce qui était bien normal). Nous sortons désormais du confinement et les mauvaises nouvelles économiques commencent à tomber. Quel va être l'impact de ce climat sur le comportement des clients ? Difficile à dire.
Hanzo
Pour en savoir plus sur Rimini Editions, rendez-vous sur leur page Facebook en cliquant sur ce lien : https://www.facebook.com/rimini.editions
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