mercredi 25 juillet 2018
Lectures - La playlist de l'été 2018 - Episode 4 : Racket de Dominique Manotti (Collection Equinoxe-Les Arènes)
Si vous suivez attentivement notre émission et jetez un coup d'œil régulier aux différentes élucubrations que nous publions sur ce blog, vous n'êtes pas sans savoir que nous sommes de grands admirateurs de l'écrivaine Dominique Manotti. C'est en 2010 que notre ami Youenn (auteur de la photo ci-dessous) l'avait longuement interviewée (c'est à lire ici), lors de la sortie de Bien connu des services de police (Série Noire-Gallimard). En 2013, elle était venue dans notre émission présenter son ouvrage L'évasion (Série Noire-Gallimard-cliquez sur ce lien pour entendre). L'année suivante, à la Médiathèque de Thourotte, nous l'avions invitée à venir co-animer un débat public consacré à l'Italie avec l'auteur transalpin Giulio Minghini (Tyrannicide-Editions NiL), quelques bribes de ces échanges peuvent se télécharger en suivant ce lien. Lorsque, en 2015, Or noir (Série Noire-Gallimard) a été publié, elle est venue dans notre émission (ça s'écoute là). Depuis, Dominique Manotti a quitté la Noire. C'est dans la Collection Equinox (Les Arènes) qu'a été publié Racket, son nouveau livre. Tout naturellement, nous sommes allés à la rencontre de celle qui vient de signer l'un des meilleurs bouquins de ce premier semestre 2018. L'entretien sera diffusé dans nos émissions de rentrée, en attendant, en voici un petit avant-goût.
Racket s'inspire librement de l'affaire Alstom. Rappelez-vous, en 2014, Alstom Energie "se vend" à l'américain General Electric dans des conditions singulières. Une cession durant laquelle l'Etat a été roulé dans la farine et qui s'est déroulée alors que la justice étasunienne condamnait ce fleuron de l'industrie française à une amende record de 772 millions de dollars pour corruption. L'affaire "choque" Dominique Manotti, car "ce n'est absolument pas une histoire isolée, c'est une histoire récurrente. Disons que, le nombre de fleurons de l'industrie française qui sont rachetés par des américains, bien souvent, est quand même très élevé ". Aussi, fidèle à sa formation d'historienne, Dominique Manotti commence à se documenter, à consulter tout ce qui existe sur cette sombre histoire de rachat, son constat est sans appel : "Je suis tombée sur des choses absolument étonnantes. Ce que j'appelle, moi, des trous noirs. C'est à dire, des faits absolument pas expliqués. Et, à partir de là, je me suis dit, s'ils ne sont pas expliqués, pas commentés, c'est qu'il y a quelque chose derrière. Donc, s'il y a quelque chose derrière, je vais aller voir".
Dans Racket, c'est plutôt Noria Ghozali, fraîchement virée de la DCRI (Direction Centrale du Renseignement Intérieur) qui va fouiner. L'un des personnages fétiches de Dominique Manotti, qui fut campé au cinéma par Rachida Brakni (cf. photo ci-dessus) dans l'excellente adaptation de Nos fantastiques années fric (Rivages/Noirs) par Eric Valette (Une affaire d'Etat-2009), se retrouve à bosser à la DR-PP (Direction du Renseignement de la préfecture de Police de Paris), dirigeant un duo affilié à la sécurité des entreprises. Travailleuse, obsessionnelle et déterminée, Noria Ghozali sent bien qu'elle s'attaque à un gros poisson. Aussi, elle file demander les conseils d'un policier retraité désormais professeur à Sciences Po et fin connaisseur du fonctionnement des grands groupes industriels : Théodore Daquin. Daquin, LE héros de Dominique Manotti, flic homosexuel bon vivant et immensément cultivé, dont les lecteurs avaient pu découvrir la jeunesse dans l'excellent Or Noir. Dominique Manotti l'avoue, elle s'est "beaucoup amusée" à le transformer en vieux sage dans Racket. Noria Ghozali s'amuse moins, par contre, découvrant un monde peuplé de salopards qu'elle n'arrive pas à aimer. Et c'est difficile de travailler sur des personnes que l'on considère comme antipathiques. Pourtant, avec ses deux acolytes, elle va tout mettre en oeuvre pour tenter de comprendre ce qui se passe dans l'entreprise Orstam.
C'est vrai que ce n'est pas simple, entre un dirigeant emprisonné aux States, des margoulins adeptes de la corruption qui tombent comme des mouches et quelques barbouzeries, Noria et ses collègues doivent se démener. Mais pour eux, une chose est sûre, les ricains sont en train de braquer Orstam, joyau de l'industrie française. Comme d'habitude chez Dominique Manotti, le récit est haletant, le style est sec, tranchant comme une lame. Le lecteur ne peut s'empêcher de tourner la page. Sans doute est-ce du au fait qu'elle écrit au présent, ce qu'elle juge "très important" et comme étant "une influence du cinéma". Elle ajoute que "l'utilisation du présent dans un roman crée un type de rapport qui est différent entre l'auteur, le lecteur et ce qu'il est en train de lire, par le présent l'auteur est à la même hauteur que le lecteur". Le présent, c'est aussi le temps de l'action, Dominique Manotti arrive même, avec Racket, à rendre trépidante une intrigue centrée sur l'économie. Pour Dominique Manotti, "le roman a déserté le champ de l'économie", aussi elle "écrit pour que ce soit romanesque, que les gens s'accrochent au roman". Elle pense que "c'est un champ qu'il faut ré-enchanter par le roman parce que c'est la seule façon d'arriver, à la longue, à une conscience collective plus forte". Difficile de lui donner tort tant Racket est un portrait d'une justesse absolue de la société française d'aujourd'hui. Racket est, tout simplement, l'un des meilleurs livres de Dominique Manotti avec Nos fantastiques années fric et Bien connu des services de police. Vous savez ce qui vous reste à faire : Foncez chez votre libraire !
Hanzo
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