mardi 6 novembre 2012
Preview : Sinister de Scott Derrickson
Malgré un budget de trois millions de dollars, Sinister arrive à éprouver les nerfs du spectateur dans un film digne des classiques de Robert Wise et Jack Clayton. Pourtant, son réalisateur, Scott Derrickson, signe d’abord un rasoir Hellraiser : Inferno, érige Keanu Reeves en inexpressif messager de l’apocalypse dans The day the earth stood still et, enfin, tente de réunir les cinéphiles les plus égarés autour du prosélyte Exorcisme d’Emily Rose. Après ces trois essais de sinistre mémoire, le cas Scott Derrickson semblait voué aux gémonies. Sa rencontre avec le scénariste C. Robert Cargill, une nuit de beuverie à Las Vegas, va changer la donne. Autour de plusieurs verres, C. Robert Cargill lui soumet l’idée de Sinister, projet qu’il garde en lui depuis longtemps.
Auteur à succès sur le déclin, Ellison Oswalt emménage dans une maison où a eu lieu un horrible crime. Spécialisé dans les essais criminels plutôt sensationnalistes, il est décidé à résoudre le mystère sur le massacre dont la maison fût le théâtre. Dans le grenier, il trouve une étrange boite recelant des films super 8. Sur chacun d’eux, il figure des scènes effroyables d’assassinats. Croyant tenir un scoop, Ellison enquête sur ce qu’il pense n’être qu’une simple affaire de tueries en série, mais qui va lui faire découvrir une horrible vérité.
Difficile d’en dire plus sans trop en dévoiler, si ce n’est que le film s’insinue dans des recoins toujours plus sombres et terrifiants. Voulant certainement le partager avec d’autres, un cauchemar que fait C. Robert Cargill, qui venait d’avoir vu The ring, est à l’origine de l’histoire. Si le film d’Hideo Nakata peut évoquer l’impact des images sur les esprits, le film de Scott Derrickson attaque cette tendance à faire du spectacle avec le sordide. À travers les films super 8 et l’écrivain carriériste campé par Ethan Hawke, le réalisateur malmène le rêve américain, la famille selon Mitt Romney et les symboles s’y rapportant. Dans cette logique, Sinister met en évidence une société où les premières et éternelles victimes sont les enfants.
Produit par Jason Blum, Sinister s’inscrit dans la continuité thématique de Paranormal activity et Insidious, en bien plus effrayant. Chacun de ses films tissent des liens en créant de nouvelles mythologies, en s’ancrant profondément dans la réalité sociale contemporaine états-unienne. Scott Derrickson, avec la complicité de son scénariste, déconstruit l’ « american way of life » d’une façon radicale tout en respectant les codes du film de maison hantée.
Pendant presque deux heures, le réalisateur instaure dès le premier plan un véritable climat de peur et de malaise qui reste longtemps après la projection. L’utilisation du CinémaScope pour filmer des pièces en clair-obscur renforce le sentiment de claustrophobie de ce quasi huis-clos. À cela s’ajoute une composition des plus angoissantes d’un Christopher Young particulièrement inspiré. En dépit d’une fin un peu trop explicative et du recours à quelques effets faciles, Sinister est la promesse que le cinéma d’horreur indépendant a encore de belles nuits blanches devant lui.
Thomas Roland
Sinister
(USA - 2012 - 110mn)
Sortie le 07 novembre 2012
Réalisation : Scott Derrickson
Scénario et réalisation : Scott Derrickson & C. Robert Cargill
Directeur de la photographie : Christopher Norr
Montage : Frédéric Thoraval
Musique : Christopher Young
Interprètes : Ethan Hawke, Juliet Rylance, Fred Dalton Thompson, James Ransone, Michael Hall D’Addario, Clare Foley...
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