lundi 12 novembre 2012

Peter Hook : L'haçienda, la meilleure façon de couler un club


On n'attendait plus rien de Peter Hook dans les années 2010. L'homme a déjà apporté sa contribution - et quelle contribution - aux années 1970 en tenant la basse au sein de Joy Division. Il a marqué les années 1980 avec New Order, le groupe qui allait jeter les amateurs de rock sur les dance-floors avec Blue monday, ce single imparable, dansant et blême. On n'attendait plus rien de Peter Hook dans les années 2010 et on avait tort. Non qu'il revienne en force sur le devant de la scène musicale, mais il livre un témoignage passionnant, dans un ouvrage sorti déjà en 2009 au Royaume-Uni, enfin traduit en français : L'haçienda ou... la meilleure façon de couler un club. Tout est dit dans le sous-titre. Il donne le ton de l'ouvrage, empreint d'auto-dérision. Ensuite, il résume bien l'histoire de ce club et salle de concerts à Manchester, inauguré en 1982, qui allait devenir mythique, en accompagnant la montée de l'acid-house et en s'imposant comme la plaque tournante du "Madchester" dans la deuxième moitié des années 1980, avant de fermer ses portes en 1997, plombé par ses dettes.


L'Haçienda est lancée par les fortes têtes de l'improbable label mancunien Factory qui compte Joy Division et New Order , à son catalogue.New Order investit dès le départ dans l'Haçienda, qui va se révéler un monstrueux gouffre financier, géré avec un amateurisme confinant au grand art, en dépit du bon sens. Mais les légendes ne se bâtissent pas sur le bon sens et les études de marché... Rob Gretton, manager de Joy Division, aurait voulu un club pour passer des disques. "En réalité, Rob n'a jamais officié comme DJ ; il préférait mater les filles et se saouler", relate Peter Hook qui retrace de façon très concrète la genèse du club, son fonctionnement, la drogue, les démêlés avec la police, les gangs, les comptables. "C'était le chaos, le punk, l'anarchie et nous adorions ça." Tout le long du livre (320 pages), Peter Hook fait preuve de recul et revient sans complaisance ni moralisme sur cette longue période de son passé. L'écriture concise et très drôle de l'ouvrage enfonce le clou.


Les amateurs de rock se réjouiront bien sûr des nombreuses anecdotes qui parsèment l'ouvrage. Citons par exemple le concert du groupe industriel allemand Einstürzende Neubauten en 1985 qui s'attaque au pilier central du bâtiment avec une foreuse durant leur set. Défilent aussi au fur et à mesure des pages les Happy Mondays, figures emblématiques de Madchester, Jesus & Mary ("Le concert a duré exactement 17 minutes, et chacune d'entre elles a été une torture"), Nico, la chanteuse des B52's (branchée par Peter Hook et qui se fait vomir sur ses bottes)... Le livre évoque bien sûr la carrière de New Order, dont tous les bénéfices servaient à maintenir à flots l'Haçienda et montre en creux à quel point les membres du groupe étaient éloignés les uns des autres.


Bref, une lecture fortement recommandée, à compléter par celle d'un livre très fouillé, dans un style documentaire, sorti l'an dernier sur le label Factory : Grandeur et décadence de Factory Records par James Nice. Du côté de Peter Hoook, on attend maintenant avec impatience un témoignage sur Joy Division. Trait d'humour ou annonce à prendre au sérieux, il y fait allusion dans les remerciements : "J'espère que le livre sur Joy Division sera plus facile." Qui l'eut cru, on attend de nouveau une actualité de Peter Hook.

Youenn

L'haçienda, la meilleure façon de couler un club
de Peter Hook
Editions Le mot et le reste-2012



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire