jeudi 17 mai 2012

La vie secrète et remarquable de Tink Puddah


En terre étrangère

C’est en toute logique que La vie secrète et remarquable de Tink Puddah ait été nominé aux John W. Campbell Memorial Award. Ce premier roman de l’Américain Nick DiChario relate en effet le parcours d’un extra-terrestre égaré sur Terre. Seulement, cette fois le visiteur a plus à voir avec le E.T. de Steven Spielberg qu’avec la belliqueuse entité qui, avant d’être immortalisée par John Carpenter, sort de l’imagination de l’auteur de La bête d’un autre monde (1).

Dans les États-Unis du 19éme siècle, avant que le pays ne soit déchiré par la guerre de Sécession, parce qu’il a la peau bleue et qu’il ne croit pas en Dieu, Tink Puddah se fait assassiner par le pasteur du village où il a élu domicile. Dès les premiers chapitres, Nick DiChario tue son personnage pour mieux le faire revivre à travers une construction en flash back et flash forward. Présent et passé s’entremêlent pour deux récits initiatiques pourtant très différents.


Ces deux époques qui se répondent correspondent à la découverte du monde par Tink Puddah après son arrivée sur Terre et aux suites de son assassinat. Une construction qui amène à un récit en apparence très simple une complexité thématique inattendue. Ce roman, tout en critiquant les idées dogmatiques, est empreint d’un certain mysticisme, ou plutôt agnosticisme, qui peut rappeler En terre étrangère de Robert A. Heinlein (2). Seulement, alors que le roman de l’auteur de Starship troopers peut se voir comme une critique des mouvements hippies, La vie secrète et remarquable de Tink Puddah semble être son exact opposé. Tink Puddah est un être d’une grande bonté qui a soif de connaissances, mais dont les maladresses l’amènent toujours sur des terrains dangereux. À travers son regard, Nick DiChario dresse un portrait d’une humanité en proie au doute, pétrie de contradictions et en quête d’une raison de vivre.

Cet homme venu d’ailleurs qui, à cause de sa différence, a bien du mal à se faire accepter est pour l’auteur un moyen de proposer une oeuvre mélancolique sur l’exclusion et la solitude. Tink Puddah traverse les États-Unis de la ségrégation et du racisme et, de quiproquo en quiproquo, est sans arrêt contraint de se cacher et de fuir, à la recherche d’un havre de paix. Il n’est pas étonnant que l’auteur, né en 1960, ait traversé les années 70 lors de son adolescence tant le livre est emprunt d’un certain pacifisme. Et même si l’intrigue semble commencer par la fin, les secrets de Tink Puddah sont encore à découvrir au fil des pages de ce court, mais étonnant roman.

Thomas Roland

La vie secrète et remarquable de Tink Puddah
Nick DiChario, Gallimard, Folio SF, 321 pages, 7€50.

Cf. (1) le recueil Le ciel est mort de John W. Cambell publié aux éditions Denoël, Collection Présence du futur, puis aux éditions Livre de poche, malheureusement toutes les deux épuisées.
(2) Publié chez Robert Laffont, Collection Ailleurs et demain, épuisé.

2 commentaires:

  1. Merci pour cette émission et pour la découverte. J'ai depuis acheté et dévoré le livre.

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  2. Merci à toi Lionel car le but de notre émission comme de notre blog, c'est de vous donner l'envie d'aimer toutes les cultures prohibées !!!

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