Peu connu du grand public, Gérard Stum (cf. photo ci-dessous) mérite que l’on s’attarde sur sa carrière. Véritable artisan du cinéma populaire français, il fut l’assistant de l’immense réalisateur Jean-Pierre Melville (Le deuxième souffle, Le samouraï). Fidèle en amitié, il collabora régulièrement avec Christophe Bier, Norbert Moutier et Jean-Pierre Mocky. Il est également un homme de théâtre fort réputé. Voici quelques mots échangés avec lui…
Débuts
Tout a commencé en 1969 lorsque Jean-Pierre Melville, avec qui j'étais en contact depuis 1962, m'a proposé une figuration de soldat allemand dans le film L'armée des ombres. C'est ainsi que j'ai défilé en soldat de la Wehrmacht sur les Champs Elysées. Parallèlement je suivais des cours de théâtre à Versailles et un soir la directrice, Marcelle Tassencourt, m'a demandé, au pied levé, de remplacer un comédien souffrant, dans Le Dialogue des Carmélites. Ce fut ma première pièce de théâtre avec, excusez du peu, Jean Davy de la Comédie Française pour partenaire. Ensuite j'ai eu beaucoup de chance car les pièces, surtout de boulevard, se sont enchaînées les unes après les autres. Ainsi que quelques films mineurs. En 1973 ce fut le choc car la mort de Jean Pierre Melville, " mon Père spirituel ", m'a découragé du métier. J'ai continué malgré tout, uniquement pour le plaisir, quand les occasions se présentaient.
Rencontres
Au fil des années j'ai fait des rencontres tout à fait inopinées (je n'ai jamais fait de casting) qui m'ont progressivement redonné goût au métier. En particulier un monsieur exceptionnel : Alexander Petrovic, cinéaste serbe et français (il y tenait beaucoup). Il avait obtenu la Palme d'or à Cannes avec le film J'ai même rencontré des tziganes heureux en 1967. Au gré d'une rencontre, il me propose un rôle dans Il pleut dans mon village, avec Annie Girardot, puis dans le film Migrations, son dernier avant son décès. Il m'est difficile, même avec le recul, d'accepter la mort de gens remarquables comme Melville et Petrovic. Il y a eu d'autres rencontres encore comme Jean Pierre Mocky, Francesco Rosi, etc. Mais c’est surtout avec des comédiens que j'ai eu une relation amicale de grande importance : mes copines Jacqueline Danno et Micheline Dax et, en particulier, Serge Reggiani (cf. photo ci-dessus extraite du très bon polar Compte à rebours de Roger Pigaut avec Simone Signoret-1971), qui m'avait demandé d'adapter en italien quelques unes de ses premières chansons.
Jean-Pierre Melville
Je voudrais revenir cependant sur l'importance de cette rencontre avec Jean-Pierre Melville (cf. photo ci-dessus). Quand on l’a connu et qu'il vous a accepté, c'est fantastique. Il serait trop long de tout évoquer en quelques mots. Simplement je dois dire qu'en 1962, au lieu d'aller en cours, je rodais prés de ses studios. Etant excessivement timide, je n'osais pas y entrer, puis, un beau jour, j'ai pris le taureau par les cornes et j'ai franchi le pas. Au début cela n'a pas été facile car il était méfiant mais, très vite, il a compris ma passion pour le cinéma. En fait, je voulais savoir tout simplement comment on tourne un film. J’avais 13 ans, quand il m'a dit " Tu as de la chance, aujourd'hui on tourne sur le plateau A ". C'était Jean Becker qui tournait Un nommé la Rocca avec Jean-Paul Belmondo... Cependant Melville ajouta "Tu ne dois pas rester trop longtemps, cinq minutes, pas plus ! ". En fait je suis resté toute l'après midi ! Le bonheur ! Cela se reproduit tous les jeudis, jour de congé scolaire à l’époque, plus les jours où je n'avais pas envie d'y aller ! Je suis resté en contact permanent avec lui, quand il avait le temps il me racontait le cinéma... Puis un jour, il m'a pris en tant que " Go-Between ", c'est-à-dire : messager, premier ou deuxième assistant-réalisateur. Sur le tournage de Le deuxième souffle, il s'était fâché avec Lino Ventura. Ils ne s'adressaient plus la parole. Il fallait quelqu'un pour faire la transition et ce fut moi ! Je ne vous raconte pas les histoires " épiques " qui ont suivi. Ma décision était prise, j'avais alors 16 ans, je devais percer dans ce milieu. Le problème c'est, évidemment, que j'étais trop jeune et mes parents ne voulaient pas. J'ai attendu, il fallait finir les études et puis ... catastrophe ! Il décède en 1973. Je me suis dit alors " j'arrête ". Il faut savoir que Melville avait tourné 13 films, qu'il vivait dans le 13ième arrondissement de Paris et qu'il est mort en 1960 : 13, ce nombre revenait souvent dans ses films. Cette anecdote, je l'avais raconté à sa veuve Flo, qui en était toute étonnée. Mais son chiffre à lui était le 8 ; chiffre qui représente l’Infini. J'aurais encore pleins d'histoires à raconter avec Melville. Je ne me console toujours pas, près de 40 ans après sa mort. Je vais le voir de temps en temps, là- bas, à Pantin, mais c'est une autre histoire ... étonnante … et je préfère me taire.
Christophe Bier
Pour Jean Pierre Mocky, c'est suite à la connaissance de Christophe Bier (cf. photo ci-dessus), son assistant. Il m'a fait " déjanter " dans un rôle de ministre socialiste pour la 8ième chaîne (NDLR : Direct 8 ?). Ce film s'intitule Robin des mers. Christophe Bier, le Grand Bier ou Petit Bier ? Pour définir Christophe B, le mot extra-terrestre est faible. Il n'habite pas sur une autre planète mais dans une autre galaxie, et encore ! J’ai eu quelques scènes avec lui dans deux films de Norbert Moutier, un test cardiaque de haut niveau ! C'est là que je me suis aperçu que je ne l'étais pas. Par exemple, nous avions répété dans un café du Quartier latin une scène d'un film de N G Mount/Norbert Moutier, Dinosaur from the Deep. J'avais un trac fou avant d'aller tourner cette scène. Alors, pour me "rassurer ", il m'avait proposé cette répétition. Seulement voilà, le jour J, en plein tournage, il a complètement changé le dialogue sans me prévenir, bien sûr, et encore moins le réalisateur qui n'arrêtait pas de dire " Mais c'est génial ! C'est génial !!! ". La farce était réussie. Christophe est quelqu'un de très cultivé, excessivement intéressant mais, j'insiste là-dessus, jouer avec lui relève de l’exploit. J'éclate de rire à chaque fois que je le vois. C’est un comédien de très haut niveau, dommage qu'il ne fasse rien ou presque pour se faire connaître du grand public.
Rideau
Le théâtre c'est viscéral ! C’est une addiction totale, une dépendance, pourquoi ? Impossible d'y répondre. J'ai mon théâtre fétiche ! Le Montansier (cf. photo ci-dessus), à Versailles, avec son magnifique rideau bleu qui vous fiche " un de ses tracs ". C'est le théâtre de mes débuts où j'ai joué quatre pièces. Les comédiens sont bien sûr des personnages passionnants qui vous propulsent dans leur monde de rêve. Or, quand on sait que la plus belle des vies et celle " que l'on rêve ", pourquoi ne pas y entrer ? Le théâtre permet d'échapper à la monotonie de quotidien,un très grand bonheur. J'ai fait de la devise de Beaumarchais mon adage personnel : " Je m'empresse de rire de tout, de peur de devoir en pleurer ".
Antoine Cervero
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